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Article publié le 10 janvier 2006.

Le contrat de « performance » DGCCRF 2008 oublie le service public et les agents

Lors du CTPM du 16 décembre 2005, Les ministres ont annoncé que les contrats de performance seraient signés à la fin du 1er trimestre 2006. Pour la DGCCRF, ce contrat comprendra trois parties : les moyens, les indicateurs de performances et le projet DGCCRF 2008.

Une faible validité juridique

Les signataires du contrat de performance sont le Directeur Général de la CCRF, le Secrétaire Général du MINEFI (représen-tant le Ministre) et le Directeur du budget. Ce contrat n’engage en rien les per-sonnels et leurs organisations syndicales, pas plus d’ailleurs que la représentation parlementaire. C’est pourquoi sa « validité juridique » est très limitée, d’autant que l’instauration de la LOLF entraînera peut être des décisions contraires de la part du parlement qui l’emporteront sur ce contrat de performance.

Ce retard n’augure rien de bon : le ministre de la Fonction Publique attend de la part des ministères l’annonce de nouvelles baisses d’effectifs au 1er février 2006 et nul doute que les dernières réformes fiscales réduiront une nouvelle fois les recettes de l’Etat et induiront une nouvelle baisse des moyens techniques et financiers.

L’application d’une pure logique de rentabilité budgétaire augmentera le fossé entre les notions de performance et de service public.

Pour notre part, nous revendiquons toujours la pérennité de la totalité de nos missions de service public assorti des moyens correspondants.

Or le projet DGCCRF 2008 tel qu’il nous a été présenté ne permettra pas à la DGCCRF de mieux accomplir ces missions de service public. Il s’inscrit dans le flux ininterrompu de réformes au MINEFI, à la Fonction Publique et de la protection sociale (assurance-maladie, retraites, CNE) mises en œuvre par le gouvernement depuis 2002. Ces réformes ont toutes été sanctionnées dans la rue et dans les bureaux de vote comme étant néfastes pour les citoyens, les usagers et les salariés.

De fausses ambitions, une vraie pénurie

Lorsqu’il ne vise pas à adapter le fonctionnement du service aux contraintes budgétaires insoutenables : nouvelle répartition entre les trois grandes missions, régionalisation, détachement de personnels, il se heurte à cette problématique de moyens : formation, équipement et travail scientifique des laboratoires, rééquilibrage des interventions en matière de sécurité, exercice des missions et notamment la mission consommation.

Dans ce contexte d’asphyxie permanente, la Direction Générale ose promouvoir le projet d’une DGCCRF pilier de la régulation économique du marché, outil de veille économique aux fins d’information des pouvoirs publics, autorité garante de la sécurité économique et physique des consommateurs. Il s’agit de grandes ambitions affichées, médiatisées à l’extrême, à coup de grandes messes onéreuses, de chantiers multiples et variés, de projets tous azimuts… Mais tous les efforts de rationalisation du travail, toutes les réorganisations brutales ou rampantes ne peuvent pas masquer l’essentiel : la DGCCRF n’a aucunement les moyens de ces ambitions…

Des effectifs en baisse

La situation actuelle est parlante : 25 Directions Départementales travaillent avec moins de 14 Equivalent Temps Plein dont 3 travaillent avec moins de 10 Equivalent Temps Plein et toutes les Directions d’Île de France sont en sous-effectif de 15 à 20 %.

Compte tenu de l’ampleur du nombre de vacances d’emploi (plus d’une centaine), le projet DGCCRF 2008 aurait pu prévoir un plan de comblement de ces vacances, ce qui aurait permis au service d’être plus présent sur le terrain et notamment dans les zones économiques d’importance (Rungis, Mulhouse, Valenciennes, Lorient par exemple) et de mieux assurer notre mission consommation (accueil du public, travail d’enquête approfondie sur les pratiques com-merciales). En cette matière, la CGT estime que la DGCCRF dotée des moyens suffisants serait un moyen de défense des consommateurs plus efficace que la mise en place « d’une class action » plus ou moins soumise aux lobbies patronaux.

Au lieu de cela, le contrat de Performance comprend déjà une baisse d’effectif minimum de 39 agents étalée sur trois ans. Ce qui portera en 2008 à 141 le nombre d’emplois supprimés à la DGCCRF pendant la période 2003 - 2008. Les agents peuvent s’attendre que cette baisse s’amplifie tout au long de la durée du contrat.

Des moyens financiers insuffisants

Le projet DGCCRF 2008 ne comprendra certainement pas l’enveloppe budgétaire propre à développer, ni même à pérenniser l’ensemble des missions du service. Citons la sécurité des produits non-alimentaires, le renouvellement de l’équipement scientifique de nos laboratoires et l’impulsion d’une politique active de recherche pour ces derniers.

Nous pouvons qu’être inquiet de l’utilisation qui sera immanquablement faite à la DGCCRF de la fameuse « fongibilité asymétrique » qui servira à des jongleries budgétaires ponctuelles et multiples… pour tenter d’endiguer la pénurie.

Des moyens juridiques à développer

En terme de moyens juridiques, des avancées (imposées par le manque de moyens alloué à la Justice dans notre pays) ont eu lieu ces dernières années. Nous considérons que d’autres progrès sont possibles, notamment en matière d’harmonisation des procédures, de consommation et de réglementation des produits industriels. A ce titre, nous regrettons que le chantier n°5 n’inclut pas ces thèmes de travail.

La CGT revendique que la DGCCRF soit dotée de moyens structurels suffisants pour que les directions départementales, l’administration centrale et les laboratoires disposent des effectifs et des moyens budgétaires, juridiques et techniques lui permettant de remplir plei-nement ses missions.

Les indicateurs (chantier n°6) et la DGCCRF : la culture de performance n’est pas forcément un outil efficace d’un bon service public

Le projet DGCCRF 2008 donne un statut prépondérant aux statistiques dans notre activité et son rendu compte. En voulant promouvoir «  la culture de performance » par ce biais, on dévoie complètement l’activité du service et on accumule tous les effets négatifs.

L’exemple de l’OIV 2005 illustre parfaitement ce propos : une confusion entretenue entre le nombre d’actions de contrôle et le nombre d’entreprises contrôlées, l’extension de la période jusqu’au 20 septembre 2005, une focalisation parfois quasi-exclusive de l’activité du service durant cette période [1]. Cette situation a eu des effets néfastes sur la manière dont les moyens du service ont été utilisés (abandon du contrôle de certains secteurs d‘activité, qualité de l’ensemble des actions du service, etc.). En effet, est-il vraiment nécessaire d’augmenter de près de 30 % le nombre d’actions de contrôle pour obtenir un taux infractionnel en baisse de 10 % ?

Des études britanniques ont montré que le niveau des performances mesurées des services publics locaux n’était pas corrélé avec le niveau de satisfaction du public vis-à-vis de cette performance. Au contraire, des services publics à faible voire très faible perfor-mance sont bien perçus par leurs habitants, alors même que d’autres, dont les performances sont suppo-sées meilleures, sont nettement moins populaires. (sources : perspectives n°16 septembre/octobre 2005 – publication IGPDE).

En outre, il apparaît que la profusion d’indicateurs et d’objectifs entraîne une dilution de l’information, que la contractualisation (le service connaît une profusion d’instructions générales de dialogue de gestion, de documents d’orientations) entraîne des rigidités et que la recherche de la performance peut inciter à des comportements opportunistes et intéressés par les différentes unités. Il ne faudrait pas que la DGCCRF connaisse une compétition faussée entre les directions et l’encadrement au détriment d’une connaissance approfondie des secteurs d’intervention.

Cette démarche visant à imposer à tout prix cette organisation de travail stakhanoviste et individualisée est d’ores et déjà rejetée très fortement par les agents.

Pour la CGT, il est temps de remettre en débat la réponse apportée par la DGCCRF aux besoins sociaux du pays et non de mettre en avant un ensemble de statistiques déconnec-tées des réalités et dévoyant l’activité du service.

Des chantiers qui auront des impacts très importants sur les conditions de travail et la carrière des agents

A l’évidence, les moyens limités dont dispose la DGCCRF ont des conséquences sur les conditions de travail des agents : intensification importante du travail, multiplicité des comp-tes-rendus et des interlocuteurs, moyens insuffisants mis à disposition des agents pour satisfaire aux impératifs des délais d’enquête (notamment en produits industriels et en région Île de France).

Mais le projet DGCCRF 2008 recèle d’autres dangers. Ainsi dans le cadre de la régionalisa-ion, le réexamen du positionnement des inspecteurs par rapport aux contrôleurs induit une réorganisation du service qui, d’une part, éloignera encore plus l’encadrement de son travail d’animation et du terrain, et d’autre part, introduit l’idée que les différents types de contrôles seraient détachables des missions dont ils relèvent. Enfin, des dispositions du projet laissent entrevoir des spécialisations à vie d’agents (chantiers recrutement, formation, carrières).

le croisement des données AGAT/SORA
Le projet DGCCRF 2008 envisage le croisement des données AGAT/SORA, malgré les engagements pris par la Direction Générale lors de la mise en place de SORA. La CGT considère que cela constitue une mesure de totale défiance vis à vis des agents préjudiciable à l’animation des Di-rections et elle s’oppose à cette mesure

A ce titre, nous sommes attentifs à l’évolution des fonctions d’encadrement qui sont symptomatiques de l’évolution du service. Nous considérons que celles-ci ne peuvent se résumer à des fonctions de « gestionnaires-comptables » de l’activité du service (remplissage quotidien de tableaux, analyse « en temps réel » de tableaux de bord et d’indicateurs, etc..). Nous estimons que, compte-tenu des critiques s’exprimant sur la mesure de la performance, les évolutions de carrières de l’encadrement ne peuvent pas se jouer sur la capacité à gagner la course aux statistiques face au voisin et concurrent mais bien sur l’aptitude à encadrer un collectif as-urant la pérennité de la totalité de nos missions de service public assorti des moyens corres-pondants.

Par contre, le projet DGCCRF 2008 aborde la question de la gestion du personnel uniquement par l’adaptation des droits des agents aux pénuries. Pourtant les dossiers en souffrance sont nombreux, mais il n’est pas question d’être performant sur la gestion des personnels :

 Le déroulement des carrières,

 La nouvelle IG Mutation et la fameuse règle des deux ans non écrite,

 La transmission tardive, un mois après, des feuilles de paie dans les services,

 L’absence d’avertissement aux agents des évolutions de leurs salaires,

 Une réforme de la notation injuste,

 Le maintien de postes à profil.

Les agents peuvent mesurer l’écart entre les bonnes intentions affichées et les actes : absence de prise en compte des situations particulières dans la gestion du personnel, mise en place des nouvelles grilles de rémunérations des agents de catégorie C entraînant des reculs sociaux quant aux possibilités d’avancements pour ces agents, dégradation des conditions de travail.

La CGT demande qu’une véritable négociation soit programmée avec le Directeur Général, afin de corriger en profondeur les dérives en matière de gestion des personnels et que la problématique des conditions de travail fasse partie intégrante du projet DGCCRF 2008.

Pour la CGT, il est urgent de discuter sérieusement des conditions d’exercice des missions confiées à la DGCCRF, de doter le service des moyens lui permettant d’appliquer l’ensemble de ces missions sur tout le territoire et d’assurer aux citoyens et aux consommateurs la protection qu’ils sont en droit d’attendre. Il est tout aussi urgent que le service se dote d’une gestion du personnel ap-pliquant des règles transparentes, modernes et respectueuses des agents. La CGT propose aux agents de débattre ensemble des enjeux d’un ensemble de réformes touchant à la fois leurs missions de service public, leurs évolutions et leurs conditions de travail.

Notes

[1On notera des différences notables entre les deux bilans OIV 2004 et 2005. Le bilan 2004 mentionne la période de contrôle (actions de prévention au 2e trimestre, OIV proprement dite aux mois de juillet et août) mais n’indique pas le nombre d’entreprises contrôlées, tandis le bilan 2005 donne le nombre d’entreprises contrôlées mais ne mentionne pas la période de contrôle.

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