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Article publié le 8 octobre 2021.

Pour notre pouvoir d’achat, il faut des augmentations générales !

La ministre a convoqué « une conférence salariale » le 6 juillet dernier. Juste avant, au cours d’une opération de communication, Amélie de Montchalin avait annoncé dans les médias des gains de pouvoir d’achat qui, dans la réalité, sont totalement inexistants. Le lendemain, notre organisation avait démonté ce qui relève de l’entourloupe.

Nous avons la ferme conviction que le débat sur les salaires des 5 millions d’agentes et d’agents des trois versants de la fonction publique mérite mieux que les présentations malhonnêtes. C’est pourquoi, nous versons cette nouvelle contribution sur ce sujet essentiel.

CE QU’IL FAUT RETENIR DU 6 JUILLET

Au-delà des effets d’annonce et des quelques mesures parcellaires et insuffisantes (comme la réduction de durée de quelques échelons), ce qui fût au cœur de la réunion du début juillet, c’est bien la décision de poursuivre le gel de la valeur du point sur 2021 et 2022 et d’exclure toute augmentation générale des traitements. Cet acte unilatéral est contesté par l’ensemble des organisa tions syndicales. Cela marque une fois de plus le fossé qui se creuse entre les aspirations des personnels et la politique antisociale du gouvernement.

La ministre met avant le coût soit disant exorbitant de la revalorisation du point d’indice pour un effet modéré sur le pouvoir d’achat des salarié·es.

Ce raisonnement n’est pas nouveau  : voilà des années que les gouvernements successifs nous le resservent. Or, ces affirmations ne résistent pas à un examen objectif.

COMPARAISON 2000-2020

Nous avons choisi de faire débuter notre étude à l’année 2000 pour deux raisons principales.

2000 est la dernière année couverte par un accord salarial dans la Fonction publique. En outre, un recul d’une vingtaine d’années permet de dégager des tendances stables non affectées par des éléments conjoncturels. 2020 permet d’avoir des chiffres stabilisés et donc parfaitement exploitables.

Précision utile   : toutes les données que nous utilisons sont issues des rapports annuels établis par la DGAFP ou fournies par l’INSEE.

Pour que nos exemples soient parlants, nous avons choisi la filière et les corps et cadres d’emploi administratifs qui existent sur les trois versants de la Fonction publique,
représentant aujourd’hui près d’1 million d’agentes et d’agents.

De surcroît, les corps et cadres d’emploi des catégories C, B et A ont été impactés par toutes les réformes transversales intervenues depuis l’an 2000.

À la lecture du tableau ci-dessus, les différentes mesures catégorielles intervenues ces 20 dernières années n’ont pas empêché le pouvoir d’achat et les carrières de se dégrader. Quelle que soit la situation prise en compte, la tendance est à la baisse et de manière importante (baisse pondérée, il faut le souligner, par les augmentations du point d’un total cumulé de 10,21 % intervenues pour l’essentiel entre 2001 et 2009).

Il faut par ailleurs observer que sur cette période, les gouvernements successifs ont fait le choix de ne revaloriser le SMIC que du minimum légal.

L’IMPACT D’UNE REVALORISATION DU POINT D’INDICE

1er / AVEC UNE INDEXATION SUR L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION

Que se serait-il passé si le levier actionné pour augmenter les traitements des personnels de la Fonction publique avait été la valeur du point et uniquement la valeur du point (donc, en neutralisant tous les dispositifs catégoriels)  ?

Nous avons retenu l’hypothèse selon laquelle la valeur du point d’indice aurait été indexée à l’inflation comme cela a été le cas durant de nombreuses années auparavant. Voici donc les salaires bruts qui seraient en vigueur  :

Évidemment, la situation qui en résulte n’est pas mirobolante et des insuffisances criantes demeurent en particulier pour les plus basses rémunérations. Mais, sauf dans le cas problématique du salaire minimal de la catégorie C, toutes les autres configurations obtenues sont significativement améliorées par rapport à la réalité actuelle issue des dispositifs catégoriels au détriment de la valeur du point.

2e/ AVEC UNE INDEXATION SUR LE SMIC

Prenons à présent l’hypothèse d’une indexation de la valeur du point sur l’évolution du SMIC.

Le pouvoir d’achat de toutes les agentes et de tous les agents aurait été maintenu et même amélioré. Les amplitudes de carrière auraient été préservées.

Enfin, la valeur du point étant la même pour tout le monde, les inégalités salariales entre les femmes et les hommes ne se seraient pas creusées.

C’est donc clair et incontestable  : les augmentations générales via la valeur du point sont plus justes et plus efficaces pour le pouvoir d’achat des salarié·es.

INFLATION, SMIC ET SALAIRE MINIMUM FONCTION PUBLIQUE

Comme on peut le constater à la lecture des tableaux, l’indexation de la valeur du point sur l’Indice des prix à la consommation conduirait à une situation dégradée par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui (-3,1 % au-dessous du SMIC au lieu de + 0,8 % dans la réalité), en ce qui concerne le traitement minimum de la Fonction publique situé en catégorie C.

Il s’agit de la conséquence d’un double mécanisme  : le système de revalorisation du SMIC et son impact sur les plus bas salaires de la Fonction publique.

Pour demeurer synthétique, les dispositifs légaux qui encadrent les augmentations du SMIC conduisent à ce que celui-ci progresse plus rapidement que l’inflation. Sur la période de référence de notre étude (du 01.01.2000 au 01.01.2020), l’inflation a été de 32,7 % alors que le SMIC mensuel brut a augmenté de 46 %.

Le traitement minimum de la Fonction publique ne pouvant se situer au-dessous du SMIC (c’est bien le moins), des mesures successives ont été prises sur les premiers échelons de catégorie C pour empêcher un tel différentiel.

De ce fait, le salaire minimum de la Fonction publique a également progressé plus vite que l’Indice des prix à la consommation.

C’est ce qui explique le seul cas de figure où l’indexation de la valeur du point sur l’inflation conduit à une situation plus défavorable à celle réellement constatée aujourd’hui.

LA QUESTION DU FINANCEMENT

L’autre raison invoquée par les gouvernants pour geler la valeur du point concerne celle du financement des augmentations générales.

Avec la dette et les déficits publics, de telles mesures seraient trop chères.
Cette question mérite donc d’être abordée avec objectivité.

Si la valeur du point avait strictement suivi les évolutions du SMIC depuis 2000, le « surcoût » occasionné (le niveau du SMIC diminué par les revalorisations intervenues de 2000 à 2009, voir plus haut) aurait été d’environ 52 milliards d’euros annuels en 2020. De ces 52 milliards, il faut retirer les crédits qui ont été consacrés aux revalorisations catégorielles. Celles-ci peuvent être estimées entre 22 et 25 milliards d’euros pour les 3 versants de la Fonction publique.

Autrement dit, le « surcoût » engendré par l’indexation de la valeur du point sur le SMIC se situe entre 27 et 30 milliards d’euros annuels en termes de dépenses. Mais un tel dispositif aurait aussi généré des recettes supplémentaires (cotisations sociales salariées, impôts sur le revenu, etc.). De ce fait, le « coût net » pour les finances publiques s’établirait entre 18 et 20 milliards d’euros.

EST-CE INSURMONTABLE  ?

Aujourd’hui, l’ensemble des rémunérations (traitements et primes) et pensions versées à tous les ayants droit des 3 versants a reculé de 0,8 point dans les richesses créées (le PIB) par rapport à la moyenne des années 1990 à 2007. Rapporté au PIB de 2019 – déjà affecté par la pandémie, cela représente entre 19 et 20 milliards d’euros de moins consacrés aux salarié·es de la Fonction publique.

Il s’agit donc bien d’un choix politique, celui de l’austérité envers les agentes et les agents.

En maintenant simplement dans le PIB la part que représentait l’ensemble des salaires et pensions de la Fonction publique, l’indexation de la valeur du point sur le SMIC était tout à fait possible.

UNE REVALORISATION GÉNÉRALE À COMPARER AUX SOMMES QUI IMPACTENT LES FINANCES PUBLIQUES CONSACRÉES AUX AIDES AUX ENTREPRISE S [1] ET QUI SERVENT DANS DE NOMBREUX CAS, AUX PLANS DE LICENCIEMENT ET AUX DIVIDENDES VERSÉS AUX ACTIONNAIRES  !

VOILÀ LE VÉRITABLE ET SCANDALEUX GASPILLAGE DE L’ARGENT PUBLIC  !

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QU’EST-CE QUE LE POINT D’INDICE  ?

Le point d’indice est l’élément constitutif du système de rémunération des agentes et agents de la Fonction publique.

À quelques rares exceptions, il est donc utilisé pour payer les salaires des 5,2 millions de personnels exerçant à l’État, à l’Hospitalière et à la Territoriale.

Il sert de base à la grille indiciaire unique qui, à partir des corps et cadres d’emplois et des échelons, permet de traduire le positionne ment des qualifications et le déroulement de carrière (notamment via les échelons).

Au point d’indice est affectée une valeur en euros.

Celle-ci a évolué au cours de l’histoire.

Selon les normes officielles, elle est présentée sur la base de l’indice 100 et annuellement.

Depuis février 2017 (date de la dernière revalorisation de 0,6 %), celle-ci est de 5 623,23 euros.

Pour nos calculs, nous utilisons sa valeur mensuelle ramenée au niveau d’1 point d’indice soit 4,686 €

En 1990, par exemple, cette valeur était de 4,732 francs soit 0,722 euros. Cela peut paraître surprenant aujourd’hui, mais durant de longues périodes, cette valeur suivait strictement l’inflation, voire au-delà. En 1973, la valeur du point a ainsi été augmentée de 13,50 % et en 1978 de 11,25 %.

Notons enfin que ce système permet de rémunérer de manière identique des agentes et des agents appartenant à des corps similaires (missions et qualifications) quels que soit leur affectation géographique et leur employeur public.

Notes

[125 MILLIARDS D’EUROS SUPPLÉMENTAIRES DEPUIS L’ÉLECTION D’E. MACRON POUR UN TOTAL ACTUEL ESTIMÉ À 200 MILLIARDS D’AIDES AUX ENTREPRISES PAR AN

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