Article publié le 4 avril 2012.
CT des DDI du 29 mars 2012 : La Réate n’est pas un horizon indépassable - Y renoncer pour les DD(CS)PP est une urgence absolue
Quand la CGT a demandé au SGG que la question des missions et des emplois dans les DDI soit débattue, nous ne nous attendions pas à déboucher sur un constat partagé. Le dogme du non remplacement des agents (1 sur 2, voire 2 sur 3) est érigé comme un objectif incontournable, y compris quand il ne résiste pas aux réalités, y compris quand les personnels, les élus, les usagers en dénoncent les conséquences. Les syndicats ont été poliment écoutés par les services du SGG et les représentants des ministères en septembre 2011, lors de la préparation du CT et en CT le 29 mars.
En conclusion, le gouvernement maintient son cap. En conclusion, la CGT dit que cela ne peut plus continuer.
Le choix de parler des missions et des moyens selon les directions départementales interministérielles est délibéré de la part de la CGT. Pas plus aujourd’hui qu’hier lors des premières expérimentations nous n’avons envisagé le dossier des DDI comme uniforme.
Pour les DDPP, les syndicats CGT de l’agriculture et de la CCRF ont affirmé d’emblée qu’il n’y avait pas de cohérence dans le rapprochement dans une même direction des missions et des personnels des services vétérinaires et des unités départementales de la CCRF.
Le courrier adressé aux préfets, sous le timbre des quatre ministères concernés, destiné à fixer les priorités des DDPP pour 2012, montre toute la pertinence de l’analyse syndicale, partagée par les personnels : il y a impossibilité à aller au-delà d’une juxtaposition de deux services aux missions distinctes. A cet égard, les deux pistes de « synergies » exposées par les représentants du ministère de l’agriculture et de la DGCCRF sont édifiantes : les interventions conjointes sur la remise directe (comme s’ils n’existait rien de cela avant la Réate) et la gestion de crise (complexifiée au demeurant, comme s’il suffisait de construire des usines à gaz pour améliorer les dispositifs). Le rapprochement opéré est artificiel. La CGT et les personnels font la preuve de sa nuisance.
1 – Les DD(CS)PP ont été créées pour accompagner les réductions d’effectifs tout en masquant, par effet volume, de désengagement de l’Etat de nombre de ses missions. Mais rapidement, à coup de coupes répétées dans les effectifs, nul ne peut plus prétendre masquer quoique ce soit.
Alors, le SGG avance déjà sur de l’interdépartementalité permettant de recourir aux « ressources rares ». Il a demandé un inventaire des besoins, annoncé la mise en place d’une « boite à outils » pour faciliter cette interdépartementalité et sollicité une mission inter-inspections sur ce sujet. Pourtant il n’échappe plus à personne qu’au vu des effectifs dans nombre de départements, chaque agent constitue aujourd’hui une ressource rare.
Parce qu’elle place les missions publiques au centre des organisations administratives, la CGT ne peut que marquer son désaccord profond avec la démarche de priorisation dans les missions dans le but de les faire cadrer avec la pénurie des effectifs. La politique ainsi menée est indigne d’un Etat moderne qui au contraire se doit d’affecter des moyens aux missions, y compris par la mise en place d’une gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.
La CGT revendique l’arrêt immédiat des suppressions d’emplois. Il faut procéder aux recrutements indispensables à l’exercice des missions de service public.
2 – La casse des missions ne relève pas du fantasme.
Que l’on se place du côté des missions DGAL ou de celles de la DGCCRF, c’est la Bérézina à tous les niveaux. Externalisation, abandon faute de personnel, les personnels ne cessent d’alerter sur les dangers que font courir les choix gouvernementaux.
Le contrôle économique régresse dans le même temps que l’Etat renonce à faire sanctionner les infractions aux règlementations. Quand on lit le courrier interministériel adressé aux préfets nous pourrions, à tort, penser le contraire. La directive nationale d’orientation de la DGCCRF est totalement déclinée. Une prouesse quand dans un nombre grandissant de départements il ne reste qu’une petite poignée d’agents affectés à la mise en œuvre des missions de portée économique. Les indicateurs sont inadaptés et mensongers, le saupoudrage est à l’ordre du jour, les personnels en ont conscience.
Au prétexte que les agents, dans le cadre de leurs prérogatives de service public, ont vocation à intervenir parfois chez les mêmes opérateurs, des axes de polyvalence (masqués parfois sous le vocable « synergie ») sont définis artificiellement localement et conduisent notamment à identifier des « agents structurants » (ayant double casquette) au risque, du fait d’un fâcheux mélange des genres, de conduire à de véritables problèmes déontologiques.
***
Les personnels des services vétérinaires sont vent debout face à la privatisation de l’inspection sanitaire dans les abattoirs. Ils ne cessent d’alerter sur ce qui constitue un véritable enjeu de santé publique. Alors que, face aux crises sanitaires répétées, un débat pourrait bien s’instaurer en Allemagne sur la nécessité de mettre fin à l’organisation décentralisée des services de contrôle alimentaire et des services vétérinaires, la France, elle, entend confier aux professionnels eux-mêmes les vérifications sanitaires en abattoirs. Les politiques qui ont décidé de cette « délégation de service » ont-ils la mémoire si courte qu’ils ont déjà oublié les crises majeures traversées, dont celle de l’ESB il y a moins de vingt ans avec les dégâts irréparables en terme de santé publique et dont la filière bovine a eu tant de mal à se remettre.
La prochaine étape, c’est quoi : la « délégation » des inspections ?
***
Inspection vétérinaire et contrôle économique, indispensables et relevant tous deux de prérogatives de la puissance publique, n’ont pas les mêmes finalités et il serait vain de prétendre généraliser des interventions conjointes. Nier ces finalités aboutit à réduire, voire à neutraliser, l’efficacité de l’intervention publique. C’est aussi une façon d’avancer, de moins en moins masqué, vers la suppression pure et simple de contrôles de portée économique (concurrence, consommation, loyauté, sécurité) et ainsi renoncer à intervenir de manière jugée trop contraignante pour les entreprises.
Placer le contrôle économique sous le timbre des DDPP ou des DDCSPP génère un affaiblissement de la capacité de l’Etat à intervenir réellement pour combattre la fraude, de manière convergente et coordonnée du niveau national aux niveaux locaux, c’est-à-dire régional et départemental. Les personnels ne sont pas dupes : c’est volontairement que le gouvernement neutralise les missions de contrôle économique. Pas besoin ici d’ "externaliser" : il suffit d’asphyxier. Les fraudeurs, les délinquants en col blanc, peuvent se rassurer : ils ont de plus en plus de chance de ne pas être inquiétés.
Quant à l’amélioration de la lisibilité et de la visibilité de l’action de l’Etat au plan départemental, c’est raté ! En revanche, si le but était d’éloigner les usagers des administrations, c’est gagné : le vocable de « protection des populations » n’est pas seulement inepte : il est incompréhensible du public (professionnels et consommateurs) qui ne sait plus à qui il s’adresse.
Le secrétaire général du gouvernement refuse d’entendre et surtout de comprendre en affirmant : « On ne retrouvera pas une sorte de paradis perdu des administrations, quels que soient les résultats des élections. » Il est facile de tenter jouer « la modernité » contre « le conservatisme », la première étant l’apanage de visionnaires, le second un repli réflexe des fonctionnaires et de leurs syndicats.
Non, la CGT n’a pas la nostalgie d’une DGCCRF idyllique.
Elle revendique une administration nationale de contrôle chargée de la mise en œuvre de missions de police économique, déployée sur l’ensemble du territoire. Une telle administration ne peut se concevoir pas plus au service des entreprises que sous la tutelle directe des préfets. Une administration de contrôle économique n’est pas un « paradis » à conquérir : c’est une absolue nécessité. Le caractère insupportable de l’impunité organisée de la fraude économique est aujourd’hui, certainement du fait de la crise actuelle, mise de plus en plus en lumière. Son coût social est supporté par tous (consommateurs, contribuables, salariés).
La CGT réaffirme le caractère à la fois artificiel et régressif de la création des DD(CS)PP qui, notamment du fait de la rupture organisée avec les directions générales et régionales, ne constituent pas des structures pertinentes d’organisation propres à assurer un exercice optimal des missions, y compris au plan départemental. Renoncer à poursuivre dans cette voie est une urgence absolue.
3 – Les personnels portent à bout de bras le service public, se battent pour préserver les missions et devraient en plus courber l’échine.
Perte de compétences liées aux départs non anticipés d’agents, répartition des dossiers entre les agents restants qui s’improvisent au pied levé spécialistes dans des domaines très techniques ou juridiques, à cela s’ajoute la pression quotidienne de l’urgence reposant sur des personnels en nombre réduit et dont on attend qu’ils connaissent tout et en toutes circonstances. Voici le quotidien dans les DD(CS)PP.
La CGT a souligné depuis de nombreux mois la démotivation et la souffrance d’un nombre croissant d’agents. Elles résultent d’une perte d’identité professionnelle avec à la clé la remise en cause des missions de service public, la dégradation dans la mise en œuvre de ces missions (une charge croissante du travail et la conscience que le rendu n’est plus toujours en adéquation avec les besoins des usagers ou les enjeux économiques).
Au-delà des cultures administratives différentes, le fossé des incompréhensions s’est creusé à tous les niveaux.
Quand certains directeurs gèrent leur direction comme s’il s’agissait de leur entreprise, il n’est pas étonnant que « revendication » soit traduit par « insubordination » et que le caporalisme fasse un retour en force. Il ne s’agit même plus de parler de dialogue social quand le simple dialogue est impossible.
L’absence d’un véritable cadrage national dans le dossier emblématique de l’organisation du temps de travail aura aboutit à ce que les spécificités admises et prises en compte dans certains départements soient niées et dévalorisées dans d’autres.
L’exercice de l’évaluation pourrait bien reproduire encore cette négation des diversités administratives. Cette négation, du fait du caractère individuel de l’exercice, produit des conséquences qui n’en seront que plus difficiles à combattre pour les personnels concernés.
Les risques psychosociaux ne sont pas qu’une thématique d’un groupe de travail. La souffrance au travail est la réalité d’un nombre grandissant d’agents. La fuite en avant et l’empilement des réformes nient l’humain dans l’action administrative. Cela ne peut pas continuer ainsi.
La CGT revendique un bilan social contradictoire de la mise en œuvre de la Réate.
La gestion nationale ministérielle des personnels doit être préservée et les CAP doivent pouvoir exercer pleinement leurs prérogatives dans la défense des agents.
Les personnels doivent être respectés.