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Article publié le 15 juillet 2008.

Service public et RGPP : Contenu et efficacité dépendent aussi de l’outil

Le 3ème conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 11 juin 2008 se situe dans la lignée des précédents. Pas de concertation en amont. Des décisions de réorganisation autoritaires sans évaluation préalable. L’objectif central est d’opérer de toute force une restriction du champ d’interventions des services publics et la restructuration des outils publics, le tout au service des politiques libérales. L’administration publique devrait ainsi se résumer à un domaine « régalien » étroit : pilotage et contrôle des politiques publiques et une politique de cohésion sociale à minima, le reste étant renvoyé au libre jeu du marché et à la responsabilité individuelle.

Ce conseil de modernisation a porté plus particulièrement sur l’administration territoriale de l’Etat et son organisation, point qui a également été débattu lors de la dernière réunion de la COMMOD (commission de modernisation de services publics placée auprès du Conseil supérieur de la Fonction publique de l’Etat) réunie le 27 juin dernier.

Il s’agissait de traiter tout particulièrement de l’administration générale (500 000 agents concernés) parallèlement aux dispositions prises pour d’autres « blocs  » : L’Education (avec ses propres réformes en cours), les Finances avec notamment la fusion DGI/CP), la Défense (avec le plan de dégraissage annoncé) ou encore la Justice (avec la réforme de la carte judiciaire).

Parallèlement se débat une loi concernant les Partenariats Public- Privé (PPP).

Ce sont ces dimensions de la RGPP que nous abordons ici.

Des services publics locaux réorganisés sans débat …

Lors de la réunion de la Commod, le directeur de cabinet du secrétaire d’Etat à la Fonction publique qui présidait la réunion affirme péremptoirement : « le gouvernement a arrêté sa vision » !, réduisant ainsi considérablement la place qu’il entend laisser au débat avec la population, avec les usagers et utilisateurs, avec les personnels.

Le niveau régional est défini comme «  le niveau de droit commun pour mettre en œuvre les politiques publiques ». 8 directions régionales devraient remplacer les directions existantes.

Les 8 nouvelles Directions régionales :

 DRFIP (Direction Régionale des Finances publiques)
 DRAAF (DR Agriculture, alimentation et forêt)
 DRAC (DR Affaires culturelles)
 DREAL (DR Environnement, Aménagement, Logement)
 DIRECCTE (DR Entreprises, Concurrence, Consommation, Travail, Emploi)
 DRJSCS (DR Jeunesse et Sports, Cohésion Sociale)
 Rectorat
 ARS (Agence Régionale de Santé)

Cette évolution de fait déjà engagée ces dernières années. De nombreuses questions sont posées concernant le contenu des missions – donc de la dimension de service public - dévolues à ces nouvelles directions.

Ainsi pour la Direction Régionale des Entreprises, de la Consommation, de la Concurrence, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE). Cette direction se veut au service de l’économie et des entreprises. Elle sera aussi chargée du « contrôle  » des entreprises ! L’objectif de déréglementation apparaît clairement avec le remplacement de la notion de contrôle par celle de régulation.

L’objectif est de libérer les entreprises de toute contrainte pour davantage de profits, en particulier en ouvrant les service publics aux appétits privés, au mépris de la sécurité et des droits des salariés, des consommateurs et des citoyens.

Ce sont ces éléments qui ont conduit la CGT des secteurs concernés à demander la séparation des 3 réseaux : économique et industriel, protection du consommateur, protection des salariés.

Dans le domaine de la santé, les DDASS-DRASS disparaissent et laissent la place à des Agences Régionales de Santé (ARS). La quasi- totalité des personnels y sera transférée. L’UGFF, avec ses organisations des DDASS-DRASS, critique la coupure introduite entre le sanitaire et le social, comme la volonté de restructurer à marche forcée le secteur sanitaire et médico-social en y introduisant la logique libérale avec une place grandissante du secteur privé .Quel sera, dans ces conditions, le contenu de la direction régionale de la cohésion sociale ?

Par ailleurs des questions lourdes sont posées touchant à la nature de l’articulation entre le national, le régional, le départemental. L’égalité des droits sera-t-elle toujours assurée au plan national ou va-t-on vers une différenciation des droits ?

Au plan départemental, la réorganisation est sensée partir des besoins des citoyens sur le territoire et non du découpage des périmètres ministériels.

A côté de l’Inspection d’Académie, de la direction départementale des finances publiques, 2 ou 3 nouvelles directions directement placées sous l’autorité du préfet sont créées.

Quel sera réellement leur rôle ?

La direction des territoires regroupera, pour l’essentiel, les services de l’ancienne DDE et DDA. Cependant de nombreuses missions disparaissent. Il leur est par exemple interdit d’intervenir dans l’ingénierie concurrentielle ! Ce n’est pas que le service était mal fait… mais il faut laisser la place au secteur privé !

Comment sera géré l’examen du permis de conduire promis à un « opérateur » ? Qu’en sera-t-il des permis de construire ?
Or le potentiel de ces services reste important et de nouveaux besoins apparaissent dans le domaine environnemental, l’action contre le réchauffement climatique, les économies d’énergie,… La CGT a déjà formulé de nombreuses propositions dans le cadre du Grenelle de l’Environnement. Beaucoup va dépendre de l’action des personnels et des usagers avec leurs associations pour développer un service public capable d’agir dans ces domaines.

La direction de la population et de la cohésion sociale regroupera les dépouilles de services démantelés et des petits services, ainsi le Droit des Femmes, Jeunesse et Sports, les services vétérinaires,...
Une direction de la cohésion sociale sera créée en fonction des besoins…

Quelle sera la capacité d’agir de ces deux directions constituées de bric et de broc ? La réorganisation projetée peut d’ailleurs en annoncer d’autres limitant la présence des services de l’Etat à l’existence de simples antennes locales...

La CGT revendique le maintien de services de proximité de qualité notamment dans le domaine du sanitaire et du social mais aussi par exemple pour ce qui concerne les services de l’Inspection du Travail et de la Concurrence et de la Consommation.

Le schéma qui découle du CMPP du 11 juin laisse beaucoup de zones d’ombres et de nombreuses inconnues demeurent.

Une circulaire du Premier ministre va demander aux préfets de départements et de régions d’organiser, a postériori, la concertation avec les personnels, les élus, les usagers d’ici fin octobre ou fin novembre. Les préfets feront part de leurs propositions d’organisation au niveau national avant une validation des nouvelles organisations. « Des schémas stabilisés » devraient ainsi être établis d’ici la fin de l’année.

Par ailleurs les CTP ainsi que les 8 organisations syndicales représentées au Conseil supérieur de la Fonction publique, seront saisis.

La situation des personnels grandement fragilisée…

Les premières décisions du CMPP du 4 décembre 2007 incluaient une modification du statut des personnels des services territoriaux de l’Etat travaillant dans les départements. Suite aux arbitrages intervenus, ceux-ci demeurent en principe rattachés à leur ministère d’origine.

La gestion des ressources humaines n’en demeure pas moins une des dimensions de la RGPP, dans l’accompagnement et dans l’impulsion de la politique de casse du service public.

De nombreux services vont être restructurés. Le gouvernement avec le projet de loi sur la mobilité développe les outils pour une gestion managériale calquée sur le secteur privé.

Dans le cadre des travaux de la Commod les expérimentations engagées dans plusieurs régions, notamment la Bourgogne, en matière de mutualisation de gestion de personnels ont été présentées ; La «  mutualisation peut aider la mobilité des agents dans leur bassin d’emplois….en résorbant plus facilement les sureffectifs »est il précisé.

Des projets de mises en place de plateformes régionales GRH sont envisagées à partir d’un cahier des charges en cours de finalisation par un bureau d’étude. Ces plateformes seraient chargées d’animer les « correspondants mobilité » et de proposer « une offre de services RH (formation, recrutement, action sociale, hygiène et sécurité) ».

Ces éléments sont à comprendre dans le cadre d’une nouvelle gestion des ressources humaines que veut promouvoir le Secrétariat d’Etat à la Fonction publique. Il s’agit pour lui de s’attaquer à « une mauvaise gestion des RH » et au manque de professionnalisme des personnels au niveau local du fait de services trop souvent de petite taille, au trop grand nombre de corps, au paritarisme national qui ralentit les circuits, à la non application de «  la fongibilité asymétrique » de la Lolf du fait du pilotage des administrations centrales, etc…A lire cette liste de critiques , on se demande comment les services ont pu fonctionner jusqu’à présent ! Mais il est vrai que lorsqu’on veut tuer son chien….

Une approche qui, en tout état de cause, démontre, comme l’a souligné la CGT,qu’il ne s’agit pas de répondre à l’aspiration légitime des personnels de pouvoir disposer du droit à la mobilité volontaire – ce que nous soutenons - mais bien de mettre en place une autre fonction publique en s’attaquant aux droits des personnels et aux fondements même des garanties statutaires…et de la conception de la fonction publique qu’il sous-tend.

Et les organismes consultatifs de la Fonction publique ?

Le gouvernement développe la gestion dans le secret. Ses projets ont été élaborés par des bureaux d’étude privés, sans aucunement consulter à quelqu’étape que ce soit les organisations syndicales.
Au fond, ce qu’il voudrait, c’est pouvoir « manager » des personnels sans droits.

Les personnels ne sont pas associés aux réformes de leur propre service alors même que sont en jeu le devenir des missions et des emplois.

Les CTP seront saisis sectoriellement et a posteriori sur les nouvelles organisations (et parfois même plusieurs CTP seront réunis simultanément) mais il n’existe aujourd’hui aucune instance de concertation permettant aux personnels de s’exprimer sur l’ensemble de la politique engagée. Les CLIC (Commission locales interministérielles de coordination) ne sont plus, de longue date, réunies. Il n’esxiste pas plus de lieux permettant d’engager les débats en amont des décisions et en cours de construction de celles-ci.

C’est pourquoi la CGT revendique la création d’une instance interministérielle de concertation au plan départemental et régional. Cette approche a été portée par toutes les organisations syndicales qui se sont exprimées lors de la COMMOD du 27 juin, certains demandant par exemple la réunion simultanée de tous les CTP concernés.
Le gouvernement refuse pour le moment de répondre à cette revendication.

Pour la gestion de sa carrière ou en cas de restructuration de son service, l’agent risque fort de se retrouver seul face au correspondant de la plateforme régionale RH. Quel recours lui restera-t-il si ses demandes sont rejetées par les chefs de service ou s’il ne peut accepter pour une raison ou une autre les propositions de mobilité qui pourraient lui être faites ? Avec quelles menaces y compris sur son emploi futur ?

La question de droits nouveaux, au plan départemental et régional, en matière de gestion de personnel sont à conquérir afin de permettre, dans la transparence, la défense individuelle et collective des personnels.

Où est l’usager dans tout cela ?

Ne lui dit-on pas que la réforme aurait pour finalité un meilleur service public ?

Les représentants des usagers au sein de la Commod font pourtant part de leurs critiques. Le représentant de l’UFC demande ainsi le respect des droits des consommateurs qui lui semblent être mis en cause au travers de la nouvelle direction régionale (DIRECCTE). Le représentant de l’ADUA (association des usagers de l’administration) considère la réforme comme « monstrueuse ». Il demande que celle-ci, peu lisible aujourd’hui, soit expliquée et qu’elle vise effectivement un meilleur service public pour l’usager.

Même le Medef y va de son couplet en exprimant le besoin de services public de qualité, ce qui suppose des agents motivés et donc un meilleur dialogue social dans la fonction publique !

Les préfets sont, nous dit on, chargés de consulter les usagers : mais dans quel cadre ?

La composition des commissions départementales de modernisation des services publics a été modifiée pour exclure les organisations syndicales. La situation n’en est pas, pour autant, différente de ce qu’on observait précédemment puisque les préfets, sauf de rares cas, ne les réunissent pas.

La CGT demande la mise en place de commod départementales et régionales (intégrant donc notamment des représentants des usagers et des personnels) dotées de réelles prérogatives, dontla possibilité de saisine à l’initiative des représentants de l’Etat, des associations d’usagers ou des organisation syndicales.

Toutes les organisations syndicales ainsi que les représentants des usagers demandent la mise en place d’instances de ce type.

L’exigence de démocratie est forte. Il faut la rendre incontournable.
Ce sera une des taches de la rentrée avec celle de construire, en convergence avec les usagers, des propositions pour des services publics qui jouent pleinement leur rôle au plan local, et permettent de répondre aux besoins des populations, dans les départements et les régions, non seulement de manière globale mais aussi et surtout dans chacune de leurs dimensions.

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