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Article publié le 25 février 2009.

La Direction de la concurrence démembrée

Jean-Marc Durand, économiste, membre de la commission économique du PCF

L’heure des plans de relance est arrivée. L’ampleur dela crise économique et sociale nécessite sans aucun doute un retour de l’intervention publique. Mais, si elle constitue un des vecteurs de la relance, toute la problématique de cette intervention réside dans sa finalité. En effet, soit l’argent public sert à réarmer une machine qui, au final, ne fera que relancer les profits et la rentabilité capitalistes, conduisant à de nouveaux accès de la crise systémique. Soit cette manne devient un outil permettant d’engager un autre mode de développement au sein duquel les services publics, dans une acception moderne, ont un rôle majeur à jouer.

Et c’est bien en ce domaine que le plan de relance de la droite sarkozyste pose question. Outre que, sur les 24 milliards qu’il propose, à peine 1/6e est destiné à de l’investissement réel, jamais il n’est question de remise en cause des orientations prises contre les administrations, les services et l’emploi publics.

Les 32 000 suppressions d’emplois de la loi de finances 2009 sont maintenues, la poursuite et l’amplification des réformes selon les préceptes de la RGPP (révision générale des politiques publiques) sont confirmées. Le cap reste fixé sur la réduction de la part des prélèvements sociaux sur la richesse créée, pour la détourner en faveur des prélèvements financiers.

C’est en effet à ce prix que les entreprises du CAC 40 pourront continuer à accumuler des profits colossaux.

Si l’actualité de ces derniers jours a braqué ses feux sur l’éducation nationale et les hôpitaux, d’autres atteintes aux missions publiques sont tout aussi graves pour le quotidien de chacun de nous, pour notre qualité de vie et notre sécurité. Ainsi du sort réservé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). La DGCCRF assume des missions de protection économique des consommateurs : régulation concurrentielle des marchés, loyauté des transactions, garantie de la qualité et de la sécurité des produits alimentaires, industriels et des services. Elles étaient conduites, pour l’ensemble de la France, par une administration centrale relayée par un maillage territorial de services organisés au niveau de chaque département, fédérés au plan régional.

Un réseau national de laboratoires et des réseaux fonctionnels de compétences venaient compléter le dispositif.

Une telle organisation permettait à la DGCCRF de disposer d’une bonne connaissance du tissu économique, d’avoir de réelles capacités d’actions et de réactions et d’organiser des mises en commun entre chaque direction départementale en se préservant des pressions économiques et politiques locales.

Or, par décret du 31 décembre 2008, les services départementaux de la DGCCRF ont été, en catimini, intégrés aux nouvelles directions territoriales, les DDP (directions départementales de la protection des populations), issues des transformations proposées par la RGPP, et placées sous le contrôle direct des préfets.

Cette nouvelle organisation dessine un rétrécissement de la capacité d’intervention de cette administration en profond décalage avec la dimension des marchés. Alors que le besoin est d’accroître les moyens d’action et de maîtrise au plan européen et mondial, la réforme en recentre l’exercice sous la coupe des préfets départementaux. Les principaux opérateurs du marché étant des entreprises à implantation nationale, c’est, au minimum, à ce niveau qu’il faut être en mesure d’agir.

Outre l’inadéquation entre son niveau d’intervention et la dimension des marchés des biens, des produits et des services, l’action de la DGCCRF pourrait être altérée par la perte d’indépendance que risque d’entraîner l’arbitrage du préfet en tant que garant de l’utilité publique. Or, plus que jamais, les contrôles exercés par la DGCCRF doivent pouvoir s’affranchir des contraintes et des lobbies locaux. En cas de contrôle sur une entreprise agroalimentaire, on peut deviner la pression qui pourrait s’exercer sur un préfet dans un département où celle-ci aurait son siège social.

Cela est grave car on touche à des questions très sensibles. On se souvient tous des crises sanitaires de la vache folle et de la grippe aviaire. Avec la complexification de la fabrication des produits, la pression aux faibles coûts de production et la mondialisation des échanges, sur lesquels les services douaniers n’ont, eux-mêmes, plus qu’une toute petite action de contrôle sanitaire, on mesure les catastrophes qui pourraient se produire.

Avec la restructuration de la DGCCRF, nous sommes au coeur d’un processus de dérégulation de fait du marché des produits, des biens et des services. Ne laissons pas se produire à ce niveau une crise du même ordre que celle que connaissent les marchés financiers.

Article paru dans l’Humanité du 23 février 2009

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