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Article publié le 25 juin 2015.

Lettre ouverte au Premier Ministre et au Ministre de l’Economie

Depuis le 31 décembre 2008, vous le savez, les services déconcentrés de la DGCCRF sont entrés dans les dispositifs administratifs issus de la RéATE et de la RGPP. Ces nouveaux cadres, sont les DIRECCTE s’agissant de l’échelon régional et les DD(CS)PP s’agissant des services départementaux.

Ces restructurations, ainsi que leurs actuels prolongements, donnent des résultats hétérogènes en fonction des entités administratives qui les composent. S’agissant de la DGCCRF, les constats se sont imposés très tôt pour ensuite ne faire que gagner en acuité. Ils sont d’abord et de façon prioritaire adossés aux missions et à leurs conditions d’exercice : perte d’efficacité ; dilution des expertises dues aux cloisonnements entre les structures ; déqualification liée à un niveau d’effectif devenu critique et dont la réduction est axée sur la mise à la retraite, sans relais ni remplacement, de plusieurs centaines d’agents expérimentés ; déqualification encore mais rampante due aux hyperspécialisations et à la non prise en compte des spécificités des métiers de contrôle ; perte d’identité ; absence de cohérence dans la césure direction générale/région/département ; absence quasi-totale de synergies entre les entités qui composent les services.

Certes, l’actuelle législature a vu de premières inflexions au dispositif ralentir les effets du cercle vicieux dans lequel la DGCCRF est enfermée.
Les effectifs de la DGCCRF se sont stabilisés, puis se sont à nouveau accrus, mais bien trop modestement pour espérer compenser les pertes colossales subies au cours des années précédentes. Le ratio s’établit à 15 créations pour 600 suppressions environ. Un nouvel outil législatif a également vu le jour, imparfait, mais qui souligne toute l’actualité que peut avoir la DGCCRF et son importance dans la mise en œuvre des politiques publiques relevant des domaines économiques.
Pour autant, une véritable amélioration demeure pour l’heure inaccessible.

Non seulement cela ne va pas mieux, mais le malaise va grandissant, qui à présent menace la DGCCRF d’un effondrement pur et simple, alors même que les personnels continuent d’adhérer massivement à leurs missions et conservent l’envie de réussir collectivement, même si beaucoup n’y croient plus et que la démotivation commence à poindre. La colère qui en résulte s’exprime de façon continuelle depuis 7 ans par leurs mobilisations.

Ces éléments de bilan sont en outre repris et portés par toutes les missions d’audit et d’évaluation qui ont eu la charge de se pencher sur le cas de la DGCCRF. Les IGS, les parlementaires, la Cour des Comptes, MM REBIERE et WEISS, tous les reprennent et les détaillent. La DGCCRF ne marche plus. Ses résultats s’effondrent année après année, faute d’une structuration adaptée à l’exercice de ses missions, faute de moyens, autant de causes propres à effriter la motivation des personnels.

Ces évidences se sont si bien imposées que le CIMAP du 17 juillet 2013 a même dû consacrer une exception DGCCRF, mais cela sans malheureusement consentir les marges de manœuvre qui eussent été en rapport avec les exigences. Un plan d’action a été produit, sans réelle discussion avec les organisations syndicales, qui à la fois a manqué d’ambition et surtout n’a en aucun cas réglé ces dysfonctionnements pourtant unanimement pointés.

Une prise de conscience de l’ampleur du problème s’est faite au sein des Ministères Economiques et Financiers, le Ministre délégué M. HAMON, la Secrétaire d’Etat Mme DELGA en ont en pris la mesure. M. MOSCOVICI s’était engagé à revenir vers le Premier Ministre, saisissant à son tour le caractère insoluble de la question dans les liens des actuelles structures.

Pour la CGT, cet état de fait n’a rien de mystérieux. Il procède de ce que la première des questions n’a plus été abordée depuis le CIMAP : celle du déploiement territorial de la DGCCRF et de la chaîne de commandement qui l’accompagne.

Monsieur le Ministre de l’Economie a fait ce constat, et annoncé au dernier Comité Technique Ministériel des Ministères Economique et Financier la réouverture de l’arbitrage rendu au CIMAP de 2013.

La CGT tient à souligner le caractère essentiel de cette reconnaissance gouvernementale de la difficulté. Il est en outre remarquable de constater que le raisonnement qui s’ensuit est bâti sur une articulation entre le caractère spécifique, transversal, des politiques économiques qui exigent une forte cohérence dans leur mise en œuvre et les conclusions qu’il convient d’en tirer en termes de structure.

La CGT veut insister sur ce fait que la question des structures est elle-même indissociable des missions et de leurs conditions d’exercice. Elle a mené son travail de réflexion depuis 7 ans, éclairée au surplus de la variété des situations de terrain et de leur impact sur les missions et leurs conditions d’exercice. Elle a notamment répondu, il y a plusieurs années déjà, à une demande de contributions émanant des autorités, par le moyen d’un document appelé « mémorandum » que vous trouverez joint à la présente. Il s’agit d’un corpus regroupant une proposition d’évolution des structures et un ensemble de revendications, à notre sens incontournables, faites dans l’intérêt des missions, du service, de ses personnels et de ses usagers.

La CGT s’appuie sur le constat que la séparation national/région/département installée par les césures entre Direction Générale et les structures départementales, et entre directions en région et en département, est contreproductive. Les rapprochements administratifs ainsi opérés sur ces deux derniers niveaux avec d’autres administrations sont par ailleurs stériles du point de vue de la recherche de synergies dans les missions. Enfin, la rupture de la cohérence de la chaîne de commandement se révèle insurmontable.

La structure s’avère incapable d’assurer la mise en œuvre des missions. Cette incapacité réside tant dans la contraction des moyens humains et techniques que dans un fonctionnement qui contrarie les exigences propres des métiers de contrôle relevant de la DGCCRF. Petite, trop petite, la DGCCRF l’a toujours été. Elle compensait pour partie ce handicap par un haut niveau d’expertise, par de l’initiative dans la mise en œuvre, par une circulation de l’information et des savoirs dans ses réseaux de compétence et par une offre de formations métier de très bon niveau. Toutes ces lignes d’émulation soutenaient l’indéfectible intérêt des agents pour leurs missions et leur totale implication. Ce sont elles qui ne s’insèrent pas dans les dispositifs issus de la RéATE et cela nous condamne sans cesse à de nouvelles régressions.

Par ses contrôles, la DGCCRF intervient dans l’impulsion des politiques économiques qui sont celles de la France dans son contexte national mais aussi européen. En protégeant l’ordre public économique, en contrariant les pratiques frauduleuses et en participant au maintien de l’égalité, gage de stabilité et de visibilité pour les entreprises, elle contribue à l’assainissement du terrain économique.
Il convient de rappeler que la fraude a un coût pour l’économie nationale et pour l’emploi. La lutte contre cette fraude est donc d’une particulière nécessité et la DGCCRF, par son action, y participe.

Cette action est de tradition menée au quotidien dans le plus grand sérieux et avec le souci permanent de l’intérêt général. Le rôle de la DGCCRF ne peut se réduire à une connaissance théorique des marchés sans se donner les moyens de vérifications approfondies.

En outre, pour conserver son efficacité, la DGCCRF doit pouvoir recourir à un réseau de laboratoires qui ne soit pas, comme aujourd’hui, réduit à un simple rôle de prestataire d’analyses. Notre crédibilité repose sur la pertinence et le dynamisme dont notre réseau de laboratoires intégré a, jusqu’ici, su faire preuve en matière de démonstration de la fraude. A une heure où les produits sont de plus en plus normalisés et règlementés, les fraudes se font de plus en plus pernicieuses et innovantes. Il est indispensable que le SCL retrouve un rôle prépondérant en matière de propositions sur les contenus, la représentativité et les méthodes des analyses. Il doit donc, lui aussi, retrouver pleinement sa place au sein du réseau.

Pour être menés correctement, ces chantiers devenus colossaux à force de temps perdu, nécessitent un pilotage national des missions. Cette évidence criante ne peut plus être ignorée. Le contrôle économique est de la responsabilité de l’Etat. Il doit donc en analyser et en assumer la nature en cohérence, notamment avec la loi Hamon et les textes Européens qui la sous-tendent.

Il faut en finir avec la séparation entre les différents niveaux d’intervention de la DGCCRF (national, régional, départemental et infra-départemental) et lui redonner la cohérence de structures qui découle de la cohérence de ses missions. Il est essentiel que le fonctionnement en réseau puisse à nouveau s’exercer sans barrière. Le premier signe fort de ce renouveau devant être le placement de façon non ambigüe de l’ensemble des unités territoriales de la DGCCRF sous l’autorité et le pilotage de l’Administration Centrale.

Rappelons-nous, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre, que la DGCCRF avait fait l’objet d’expérimentations ante-RéATE et qu’aucun des scenarii proposés ne portait la structure que nous connaissons actuellement. Celle ci relève d’un arbitrage politique de toute dernière minute.

Votre gouvernement a pris la mesure de la difficulté. Il faut maintenant accepter qu’un nouveau projet soit porté pour la DGCCRF. Sept années d’expérimentations de ces structures n’ont amené aucun résultat, il convient de passer à autre chose.

La CGT vous demande à nouveau que les négociations qui s’imposent soient enfin ouvertes pour notamment :

 Redonner à la DGCCRF l’autorité nécessaire sur l’ensemble de ses unités territoriales ;

 Mettre un terme à la séparation inopérante entre les différents niveaux d’intervention de la DGCCRF ;

 Rendre au département son rôle d’échelon prépondérant dans l’exercice de l’ensemble des missions ;

 Rendre au SCL son rôle de ferment intellectuel participant activement de l’exercice des missions de la DGCCRF, y compris par des propositions d’investigations pour contrer l’évolution de la fraude ;

 Poursuivre l’effort de recrutement et le porter à un niveau significatif de façon a donner corps au nécessaire réajustement qui devra être mené par ailleurs.

Veuillez croire, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre, en l’expression de nos plus respectueuses salutations.

Pour le SNACCRF-CGT
Le secrétaire général,
V POUCHARD

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