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Article publié le 16 avril 2019.

Lettre ouverte à M. Bruno Le Maire

Monsieur le Ministre,

Les faits sont têtus ! La CGT s’en est fait le relai de multiples fois. Il s’agit de l’impossibilité à découvrir sur le terrain de véritables doublons et de véritables synergies entre les actions de la DGCCRF et celles de la DGAL.

Cet échec, vieux de 10 ans maintenant, se prolonge sans fin et n’amène que contrariétés et contreperformances dans l’action quotidienne de la DGCCRF. Dans ce grand « qui perd gagne » administratif, il a été très vite évident que la question des structures, si elle ne pouvait à elle seule servir à sortir de la problématique, constituait néanmoins un levier incontournable. Car l’objectif poursuivi avait un véhicule, la RéATE, qui devait, en principe, impulser la coordination sur un mode interministériel et local. Et c’est cette RéATE qui ne s’est jamais montrée en capacité de concrétiser ces enjeux.

L’histoire des crises récentes, comme l’analyse du quotidien des agents, démontre l’étendue de l’égarement. Les administrations se comportent en concurrentes aussitôt que l’occasion leur en est fournie, ne réussissant qu’à perturber les exercices de terrain en leur retirant tout caractère serein. A cela, les ajouts d’une division inappropriée des effectifs et des missions de la DGCCRF entre régions et départements, d’une reprise des suppressions d’emplois et d’un contexte général d’insécurité autour des missions et des agents du service public rendent la situation intenable.

Et c’est là que les cohérences ont leur importance. Les réformes en ont une, de concentration des prérogatives dans les mains des Préfets avec l’objectif de contrôler d’une part la réduction des coûts et d’autre part les restructurations de l’Etat qui l’accompagnent. Il fut vite évident que les spécificités des missions économiques gênaient l’insertion de la DGCCRF dans ce dispositif. Pour ne pas dire les choses autrement.

Durant ces dix années, les organisations syndicales de la DGCCRF, interrogées par les exécutifs successifs, ont été amenées à réfléchir, à produire des analyses et des propositions.

Pour la CGT ce travail a débouché sur un MEMORANDUM suivi de différents développements. Ce texte s’appuie, notamment, sur des éléments amenés et conceptualisés dans ce contexte par la CGT.

Il s’agit en particulier du dégagement d’une notion d’Ordre Public Economique, qui existe en Droit français mais est encore peu et mal définie. A cette notion peut, et doit, répondre une autre notion de Police, en tant que concept juridique appliqué au monde économique. Pour nous il est clair que cette police économique est le terrain d’expression de la DGCCRF.

C’est donc avec plaisir que la CGT a accueilli votre choix, Monsieur le Ministre, de reprendre à votre compte une partie de ces éléments de langage devant l’ensemble de la représentation syndicale. Après une première apparition dans une DNO de l’ère HOMOBONO, voilà à présent que l’ordre public économique s’invite dans la sphère ministérielle.
Il reste toutefois à impulser, dans son ensemble, la cohérence que la CGT propose et dont cette notion n’est qu’un élément. De quoi s’agit-il ? De façon générale, l’Ordre Public, but éminemment régalien, consiste dans un état social de tranquillité, de sécurité et de salubrité publiques. Cet état connait des démembrements entre un ordre public de direction et un ordre public de protection qui aboutit à sauvegarder des équilibres en protégeant des parties faibles.
La CGT dit que les consommateurs entrent dans cette catégorie. La CGT dit qu’au sein des filières les rapports entre producteurs, acheteurs, revendeurs connaissent ces questions d’équilibre. La CGT dit enfin que la DGCCRF est à la confluence de ces attentes et que la sauvegarde de ces équilibres au nom de l’Etat lui revient.

Cela implique de tirer des conclusions déterminantes pour la suite des opérations. En particulier, la nature et les causes de l’implication de la DGCCRF dans certaines missions doivent être interrogées dans le sens d’un recentrage sur nos cœurs de métier.

Le rôle de la DGCCRF se pense plus en recherche de fraudes, relevant plus particulièrement de la protection économique, de la loyauté, de la sécurité des consommateurs, et de régulation concurrentielle des marchés. Ces axes doivent-ils conduire à pratiquer de l’HACCP à la distribution ? La réponse est négative à l’évidence car c’est ici que se fait la sortie du champ économique pour basculer sur celui de l’accompagnement des professionnels en matière d’hygiène. Cela ne veut pas dire que la DGCCRF n’a rien à y voir, cela veut dire qu’il lui faut s’investir en restant sur ses bases. La DGCCRF et Bercy doivent opérer une clarification. L’hygiène doit être pour nous un élément de la loyauté et ne surtout pas être une finalité.

A défaut, nous ne sortirons pas de la tutelle de fait qu’exerce la DGAL sur ce domaine. La césure produits animaux/produits végétaux s’avère sans valeur pour promouvoir une spécificité de contrôle et la pseudo-expertise qui en découle sert surtout à s’enferrer dans des vicissitudes telles que les contrôles renforcés à l’importation.

Autant de choses qui nous éloignent de la recherche de fraudes proprement dite. A cet égard, il convient de s’interroger sur les politiques de suite et de mesure statistique de l’activité. N’y-a-t-il pas quelque chose de singulier à avoir laissé s’installer un fort développement des MPA en hygiène au détriment des suites contentieuses ?

Il y a lieu à l’autocritique, et de façon urgente car c’est la capacité de la DGCCRF à se redonner un projet qui est en jeu. Peut-on espérer imposer à la Direction générale de l’ALIMENTATION le partage de l’expertise alimentaire ? Peut-on expliquer à un Préfet qu’il n’a pas vocation à encadrer l’usage de mesures de police administrative ? A ces questions les réponses sont non, et le fait que l’on collabore tous ensemble à un objet administratif non identifié chargé de la police sanitaire n’y changera rien.

Par ailleurs, une telle organisation ne permettrait pas de recentrer les forces vives sur les cœurs de métier. C’est pourtant d’autant plus nécessaire que ces forces vives se sont encore amoindries par le jeu des suppressions d’emploi. Après deux années de revues des missions, il faut conclure.

L’ordre public économique c’est donc une préoccupation de premier plan qui, une fois pris en considération, doit amener à dessiner les contours d’une Police Economique à laquelle la DGCCRF est un contributeur naturel. Cela permet de chasser une fois pour toute les confusions, organisées parfois mais malheureuses toujours, avec les périmètres d’autres services et une notion de service public de proximité qui ne sont pas étrangers à nos missions mais n’en constituent pas les fondements.

On ne peut pas continuer à considérer un problème pourvu de multiples facettes par une seule d’entre-elles. Résoudre par le contrôle un litige de consommation, c’est certes rendre un service à des administrés ce qui inclut une dimension locale, mais c’est avant tout mettre en œuvre une politique nationale et transversale de protection des intérêts économiques des consommateurs.

Alors la question se pose : Monsieur le Ministre, avez-vous la volonté, non seulement de vous ouvrir à de nouveaux concepts mais encore d’emmener la logique jusqu’au bout en proposant une nouvelle cohérence ? Voilà qui dénoterait pour une fois un véritable souci des missions et de leurs finalités.

Dans ce contexte, et face aux arbitrages qui pourraient être pris sur certaines évolutions entre la DGCCRF et la DGAL, la CGT réaffirme son opposition au scénario proposant la création d’une « police sanitaire ». Un autre projet pour la DGCCRF doit être porté, celui d’une administration garante du maintien de l’ordre public économique, en charge de missions de police économique.

Rappelons enfin que la CGT exige l’arrêt immédiat des suppressions d’emplois et la mise en place d’un plan pluriannuel de recrutements à la DGCCRF et dans ses laboratoires, ainsi que l’ouverture de négociations pour repenser enfin les structures et les perspectives de la DGCCRF.

La CGT a formalisé et détaillé à plusieurs reprises ses propositions et ne demande qu’à les mettre en débat. De plus, la CGT continue de revendiquer la revalorisation de la valeur du point d’indice et l’arrêt de l’application du RIFSEEP.

C’est dans ce sens que le syndicat national CGT appellera les agents à la grève et aux manifestations le 9 mai prochain.

Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de nos plus respectueuses salutations.

Les Co-secrétaires généraux,

Jean-Philippe SIMON, Brigitte BIDAULT, Virginie MARTINOT

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