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Article publié le 8 janvier 2007.

Le projet de loi en faveur des consommateurs : l’absence d’une politique publique ambitieuse de la consommation.

Au mois de février, le projet de loi en faveur des consommateurs sera présenté par le gouvernement à l’Assemblée Nationale. Vous trouverez ci-dessous le dossier préparé par le syndicat national des agents de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes CGT (SNACCRF – CGT).

Le SNACCRF - CGT, la Fédération des Finances CGT et INDECOSA CGT avait réagi dès sa présentation par le Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie en relevant l’absence d’une politique publique ambitieuse de la consommation.

Le contexte budgétaire de ce projet de loi

En matière de Consommation, la DGCCRF est l’administration de premier recours des consommateurs. Son rôle est :

 de faire appliquer les principales dispositions législatives et réglementaires contenues dans le Code de la Consommation par la recherche et la constatation d’infraction à ce Code. Dès lors qu’une infraction est relevée par Procès-Verbal, l’agent la transmet au Procureur de la République qui juge de l’opportunité des poursuites devant les tribunaux pénaux.

 D’accueillir les consommateurs, de les informer sur ce qui relève de sa compétence et de les orienter vers les interlocuteurs adéquats lorsque leurs problèmes ne relèvent pas de son champ d’action. Bien souvent, ces permanences d’accueil du consommateur permettent aux agents de détecter des pratiques frauduleuses et d’enclencher des enquêtes visant à l’extinction de ces pratiques.

Dans le cadre de la LOLF, les activités de la DGCCRF en matière de Consommation sont incluses dans deux programmes (Protection Economique du Consommateur et Sécurité du Consommateur) de la mission Développement et Régulation Economiques.

Le tableau ci-dessous reprend les moyens accordés à la DGCCRF au titre de ces deux programmes :

Projet Annuel de PerformanceEffectifs Programme Protection Economique du ConsommateurEffectifs Programme Sécurité du ConsommateurCrédits de paiement Protection Economique du ConsommateurCrédits de paiement Sécurité du Consommateur
2006 1638 675 106 202 566 39 019 069
2007 1595 577 107 046 918 34 551 905
Différence - 43 - 98 + 844 353 (+0,79 %) - 4 467 164 (-12,9 %)

Les moyens attribués à la DGCCRF ne lui permettent pas d’assumer l’ensemble de ces missions sur la totalité du territoire. Ainsi, 26 Directions Départementales comptent moins de 14 agents. Pire, ces moyens sont en nette diminution !

Dans ces conditions, il est impossible pour ces Directions Départementales d’avoir un secrétariat et un encadrement opérationnel tout au long de l’année. Par ailleurs, nombre de Directions Départementales ne peuvent pas assumer une ouverture quotidienne de l’accueil du consommateur. Ainsi, l’ensemble des agents de la Direction Départementale du Gers a effectué une grève de 24h afin d’obtenir le recrutement d’une secrétaire le 04 décembre 2006 !

Cette situation est aggravée par la politique du ministère qui vise à éloigner le consommateur des Directions Départementales en charge de son accueil :

 absence d’une politique de formation et de valorisation de cette mission,
 équipement téléphonique défaillant,
 centre d’appel national submergé et offrant des conditions de travail déplorables source de problèmes de santé graves pour l’ensemble du personnel y travaillant.

Enfin, nos laboratoires ne sont pas suffisamment équipés notamment pour l’analyse des produits de consommation industriels (type petit électro-ménager ou matériel de bricolage) en cause dans les accidents de sécurité domestique. Sur ces produits, 80 % des analyses sont sous-traitées et donc nos interventions sont très limitées par l’enveloppe budgétaire. On peut estimer qu’un plan d’équipement sérieux de nos laboratoires serait rentabilisé en 7 ans.

Analyse du projet de loi

Lien vers le dossier de l’Assemblée Nationale

Les actions de groupe (art. 12)

La création d’actions collectives est la mesure phare de ce projet de loi. Pour notre syndicat, cette procédure d’action collective ne sera pas facile d’accès pour les consommateurs puisqu’elle suppose une démarche volontaire de celui-ci. Elle pourra être coûteuse par rapport aux réparations pécuniaires possibles (notamment pour les litiges liés à de petites sommes) et elle ne dédommagera pas l’ensemble des consommateurs lésés.

En l’état actuel des choses, cette procédure sert une fois de plus à justifier le désengagement de l’Etat de notre mission générale de protection du consommateur en opérant un transfert vers les associations de consommateurs encouragées par la déduction fiscale prévue à l’article 13 du projet de loi.

Les modifications du code monétaire concernant le crédit à la consommation (articles 18 & 19)

Pour nous, ces mesures en faveur du développement du crédit montrent que le gouvernement n’a pas pris la mesure du problème du surendettement alors que 900 000 foyers sont dans cette situation.

La création de la notion de « pratiques déloyales commerciales » (article 1er)

Cette notion transcrit une directive européenne. Elle est très proche des notions de « publicité à induire en erreur » (art. L.121-1 du Code de la Consommation), de « tromperie » (art L.213-1 du Code de la Consommation)et d’ « abus de faiblesse » (art. L.122-8 du Code de la consommation). On peut dire qu’elle complète les trois notions ci-dessus. Ces trois infractions sont punies de sanctions pénales. La publicité de nature à induire en erreur et la tromperie sont punies de deux ans d’emprisonnement et de 37 500€ et l’abus de faiblesse de 5 ans d’emprisonnement ou de 9 000 € d’amende.

C’est pourquoi nous estimons que la peine prévue dans l’article 1er du projet de loi (amende civile de 30 000 €) devrait être transformée en sanction pénale afin d’améliorer l’efficacité de l’application de cette infraction. En effet, une peine civile n’a pas le caractère d’exemplarité attaché à une sanction pénale. Ensuite, les agents de la DGCCRF ne sont pas formés pour les procédures de justice civile. Les résultats pour le moins contrastés en matière de Pratiques Restrictives de Concurrence (relations grande distribution – fournisseurs) en sont le meilleur exemple. Enfin, elle introduit un élément de complexité judiciaire important dans le travail des agents de la DGCCRF liés aux choix entre les deux procédures civiles et pénales.

La gratuité du temps d’attente pour les « hot lines » (articles 6 & 7)

Les conditions d’application de la disposition en restreignent la portée, puisque les appels seront payant à partir d’un téléphone portable ou à partir d’une ligne fixe France Telecom si l’autre ligne (type 08) ne fonctionne pas.

L’habilitation des agents de la DGCCRF pour un certain nombre de textes législatifs ou réglementaires de protection directe du consommateur (article 16)

Nous sommes satisfaits que les agents de la DGCCRF soient habilités pour un certain nombre de textes législatifs ou réglementaires de protection directe du consommateur, notamment en ce qui concerne la loi Hoguet (portant sur le secteur du logement qui constitue le premier poste financier en matière de consommation).

Néanmoins, le projet de loi aurait pu aller plus loin et habiliter les agents pour les textes relatifs au démarchage des consommateurs sur :

 les services juridiques (L. n°71-1130 du 21/12/71, modifiée par L. n°90-1259 du 31/12/90) ;

 l’enseignement (art. L.471-4 du Code de l’éducation) ;

 les produits visés par le Code de la santé publique (art. L.4361-7 : prothèses auditives ; art. D.4364-16 : orthoprothèses, podo-prothèses, prothèses oculaires ou faciales, produits délivrés par les orthopédistes-orthésistes) ;

 les fournitures et prestations liées à un décès (art. L.2223-33 du Code général des collectivités territoriales).

Evidemment, la question des moyens dont dispose la DGCCRF est patente et la mise en œuvre des nouveaux pouvoirs ne se fera de manière efficace qu’à la condition qu ‘elle soit dotée de nouveaux moyens.

L’amélioration des pouvoirs de police administrative et l’uniformisation des pouvoirs pénaux d’investigation des agents de la DGCCRF (articles 15 & 16)

Les agents de la DGCCRF utilisent deux types de pouvoirs d’investigation : ceux issus du Code du Commerce et ceux issus du Code de la Consommation. Cela fait longtemps que le syndicat CGT (avec d’autres) porte l’idée d’une harmonisation de nos pouvoirs. Ceci est un premier pas que nous apprécions.

Conclusion

Ce texte présente indéniablement des améliorations concernant les pouvoirs d’interventions de la DGCCRF. Néanmoins, nous souhaitons que le texte évolue vers des sanctions pénales en ce qui concerne l’infraction de « pratiques commerciales déloyales ».

Nous considérons que la création d’actions de groupe et la gratuité du temps d’attente ne sont pas à même à régler les problèmes de consommation auxquels sont confrontés les consommateurs notamment en matière de téléphonie ou internet. Elles sont plutôt de nature à justifier le désengagement de l’Etat de notre mission générale de protection du consommateur. En quelque sorte, il s’agit plus de la poudre aux yeux qu’autre chose.

Nous portons un regard très critique sur les mesures en faveur du développement du crédit, car elles montrent que le gouvernement n’a pas pris la mesure du problème du surendettement alors que 900 000 foyers sont dans cette situation.

Manifestement, pour le syndicat CGT des agents de la DGCCRF, le projet de loi ne répond pas à l’exigence d’une politique publique ambitieuse de la consommation et ne constitue pas une réelle avancée en matière de protection collective du consommateur, en particulier pour les plus faibles d’entre eux.

Le syndicat CGT des agents de la DGCCRF est porteur de revendications fortes pour un maintien des missions de la DGCCRF et leur plein exercice

Des moyens juridiques

 Un renforcement du code de la consommation, en prévoyant des sanctions pénales pour tous les manquements.
 l’harmonisation des procédures d’investigations,
 l’habilitation des agents de la DGCCRF pour les textes de protection directe du consommateur,
 la re pénalisation des Pratiques Restrictives de Concurrence, et en attendant, améliorer le dispositif juridique de la DGCCRF en matière civile,
 une habilitation en matière de favoritisme et de lutte contre la corruption.

Une exigence de service public

 la mise en place d’une réelle politique de contrôle de la concurrence dans les marchés publics
 la mise en place d’une politique de la concurrence visant à l’exemplarité des peines qui passe par une augmentation des saisines du ministre
 la réglementation en cas de nécessité des secteurs à comportements infractionnels récurrents (exemple : la téléphonie mobile, l’immobilier…)
 la valorisation d’une véritable politique de la consommation,
 le maintien des contrôles approfondis en qualité/sécurité pour les produits et les services.

Des moyens budgétaires

 Une politique de recrutement pour atteindre un niveau d’effectifs suffisants,
 des moyens de formation (initiale et continue)
 des moyens matériels et financiers pour réaliser les prélèvements nécessaires à l’accomplissement de nos missions en qualité et sécurité
 un investissement pour les laboratoires visant notamment à affranchir le service de la sous-traitance en produits industriels de consommation
 le renouvellement du matériel informatique de manière régulière.

Une exigence de proximité

 Des directions départementales comprenant au minimum 14 agents dont un secrétariat et un encadrement opérationnel tout au long de l’année,
 Un implanté pour les secteurs comprenant un IP,
 L’ouverture de secteurs dans les zones économiques d’importance (Rungis, Mulhouse,etc.)
 Les Services à Compétences Nationales (formation, documentation, laboratoires, informatique) relèvent de la mise en œuvre de missions de service public, les emplois doivent rester sous statut, y compris pour des futurs recrutements.

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