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Article publié le 12 janvier 2018.

L’UFSE-CGT appelle les parlementaires à ne pas adopter le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance

Conjugués aux objectifs poursuivis au titre du chantier « action publique 2022  », l’exposé des motifs et les 48 articles constitutifs du projet de loi « pour un État au service d’une société de confiance » confirment la volonté des pouvoirs publics de procéder à une réforme conséquente de l’action publique.

De premières expressions ont été rendues publiques par l’Union fédérale des syndicats de l’État CGT (UFSE-CGT), la Fonction publique CGT, la Confédération CGT au sujet des enjeux posés par le chantier « action publique 2022  ».

Ces expressions sont notamment consultables sur le site internet de l’UFSE-CGT

Par ailleurs, de premiers articles dédiés à ce chantier ont aussi été publiés dans les éditions des mois de novembre 2017 et décembre 2017-janvier 2018 du journal « Fonction Publique  » de l’UFSE-CGT.

QU’EN EST-IL S’AGISSANT DU PROJET DE LOI « POUR UN ÉTAT AU SERVICE D’UNE SOCIÉTÉ DE CONFIANCE  » ?

Ce projet de loi porte une réforme conséquente de l’action publique qui plus est générateur d’effets importants sur les usagers des services publics et les personnels chargés de la mise en œuvre des politiques publiques.

D’un côté, les pouvoirs publics affirment vouloir consulter et même associer les usagers, les personnels et les acteurs de la société civile à l’élaboration du chantier « action publique 2022 » (lancement d’un Forum de l’Action publique reposant sur deux piliers, l’un numérique avec une plateforme de consultation en ligne ouverte aux usagers et aux personnels, l’autre territorial avec une série de rencontres ouvertes aux acteurs de la société civile)…

De l’autre côté, force est de constater que l’urgence est décrétée sur le projet de loi « pour un État au service d’une société de confiance » sans, a minima, une phase de réflexions et de discussions préalables et plus particulièrement avec les organisations syndicales représentatives des personnels de la Fonction publique.
À l’évidence, c’est une fois de plus à marche forcée et au mépris de la démocratie sociale et, plus particulièrement des organisations syndicales, que les pouvoirs publics entendent faire adopter ce projet de loi.

Saisi dans l’urgence, seul le Conseil économique, social et environnemental (CESE) aura, là encore dans l’urgence, rendu un avis sur ce projet de loi consultable sur le site Internet du CESE

Nous soulignerons que la consultation du CESE a été estimée juridiquement nécessaire par le Conseil d’État conformément à l’article 70 de la Constitution stipulant que ce dernier est consulté sur tout projet de loi de programmation à caractère économique, social et environnemental et donc, a fortiori sur un projet de loi qui porte sur la stratégie nationale de l’action publique.

>> SANS PRÉTENDRE À L’EXHAUSTIVITÉ, L’EXPOSÉ DES MOTIFS ET LES 48 ARTICLES CONSTITUTIFS DU PROJET DE LOI APPELLENT DE PREMIÈRES OBSERVATIONS ET DE PREMIERS COMMENTAIRES.

Ces derniers porteront, pour l’essentiel sur l’exposé des motifs et les articles relatifs aux politiques et missions de contrôle.

À la lecture de l’exposé des motifs, il convient tout d’abord de préciser que l’action publique ne saurait être réduite à la seule dimension de l’appareil d’État.

La stratégie nationale de l’action publique relève de différents acteurs, qu’il s’agisse notamment des trois versants constitutifs de la Fonction Publique (fonction publique de l’État, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière) mais aussi des administrations publiques de la Sécurité sociale.

Ces acteurs concourent à la mise en oeuvre de cette stratégie nationale. De ce point de vue, l’UFSE-CGT rappelle qu’elle porte un principe de complémentarité de ces différents acteurs, concernant plus particulièrement les politiques et les missions publiques mises en oeuvre par l’État et les collectivités territoriales.

Même si l’exposé des motifs rappelle que la qualité du service public repose sur des personnels habités par le sens de l’intérêt général, l’UFSE-CGT rappelle que celle-ci est aussi assise sur des principes (continuité, accessibilité, neutralité, laïcité…) et un statut général des fonctionnaires assis sur trois principes, ceux de l’égalité, de l’indépendance et de la responsabilité (livret CGT Fonction publique consultable sur le site Internet de l’UFSE-CGT : www.ufsecgt.fr).

Autant de principes qui doivent être rappelés et garantis par le législateur.

Plutôt qu’un « usage circonspect » de la puissance publique dont la transformation proposée a pour objectif d’organiser toujours plus la privatisation, la marchandisation et la mise en concurrence des processus économiques et sociaux, l’UFSE-CGT revendique, au contraire, un développement de son action et de son intervention.

Il s’agit d’en faire un outil au service notamment :

 ? De la satisfaction des droits, des besoins fondamentaux et plus largement de l’émancipation humaine,

 ? D’une autre logique de développement articulant reconquête des activités et de l’emploi industriels et transition écologique,

 ? De la démocratie.

Pour atteindre de tels objectifs, il relève de la responsabilité de la puissance publique d’adopter les corpus législatifs et réglementaires dans ce sens.
Il relève aussi de la responsabilité de la puissance publique de permettre aux personnes physiques et morales de connaître et de comprendre les contenus de ces corpus, de les faire respecter et de disposer des moyens nécessaires afin de sanctionner celles et ceux qui ne les respectent pas en assurant une égalité de traitement de ces derniers d’où l’importance du respect des principes et du statut général des fonctionnaires rappelés ci-dessus.

Il relève enfin de la responsabilité de la puissance publique de dégager les moyens de financement nécessaires au bon accomplissement de ces missions. De ce point de vue, alors que l’exposé des motifs du projet de loi évoque la « construction d’un État conscient de son coût », l’UFSE-CGT rappelle que les recettes et les dépenses publiques doivent surtout être considérées comme un investissement nécessitant là encore d’être contrôlées (missions publiques relatives à l’assiette, au contentieux, au gracieux, a l’évaluation et aux modalités d’utilisation, etc.).

>> À PROPOS DE DIFFÉRENTS ARTICLES CONSTITUTIFS DU PROJET DE LOI

Remarque liminaire  : l’UFSE-CGT partage les préoccupations exprimées par le Conseil d’État quant à la nécessité de mettre à disposition une étude d’impact digne de ce nom s’agissant des dispositions qui consisteraient à modifier des règles de procédure et des modalités de sanctions appliqués par de nombreuses administrations de contrôle,la pertinence des solutions proposées et leurs conséquences pour l’organisation des services publics et les personnels.

L’UFSE exprime aussi et a minima ses plus vives réserves quant aux nombreuses habilitations à légiférer par ordonnances sur des enjeux aussi importants et au recours à différentes expérimentations.

L’UFSE rejette la proposition consistant à reconnaître un droit à l’erreur dans les procédures déclaratives et les contrôles administratifs.

De ce point de vue, l’UFSE rappelle que nul n’est censé ignorer la loi.

Les contrôles et la sanction des fraudes sont inhérents et corrélatifs au système déclaratif et au respect de l’ordre public économique et social.

Par ailleurs, les réductions des sanctions pécuniaires dans l’hypothèse où la personne mise en cause régularise sa situation, de sa propre initiative ou après y avoir été invitée par l’administration concernée, porte une atteinte irrecevable au principe de l’égalité de traitement.

L’UFSE-CGT exprime par ailleurs son opposition à l’introduction dans le Code du travail d’une possibilité de prononcer de simples avertissements à l’encontre des employeurs contrôlés par l’inspection du travail.

Cette proposition s’inscrit dans une problématique plus générale consistant à ne plus sanctionner, à organiser une dépénalisation du droit au profit de sanctions administratives prononcées sans publicité et ouvrant des possibilités d’invoquer administrativement l’opportunité, tempérant de fait les risques encourus, véritable encouragement au contournement et même à la non-application de la réglementation.

Là également, il y a deux poids-deux mesures, lorsque l’on constate avec quelle célérité les autorités sanctionnent les agents publics qui cherchent à défendre leurs missions où encore entendent pourchasser les chômeurs montrés du doigt comme des fraudeurs et des fainéants.

C’est dans ce sens que l’UFSE-CGT exprime aussi ses plus vives inquiétudes et son opposition quant aux velléités d’ores et déjà affichées par certains ministres au titre des travaux engagés dans le cadre du chantier « action publique 2022 » consistant à abandonner des missions de contrôle ou à déléguer ces dernières aux professionnels eux-mêmes, à des agences, à des intervenants privés…

La reconnaissance d’un droit au contrôle à la demande des administrés et la faculté d’en opposer les conclusions expresses, à l’instar de ce qui vaut déjà en matière de rescrit fiscal que le législateur est par ailleurs invité à généraliser dans toutes les administrations, ne sont pas plus convaincantes.

En proposant l’introduction d’une nouvelle procédure de contrôle tout en indiquant que les contrôles administratifs devraient être réalisés dans « un délai raisonnable  », les pouvoirs publics font manifestement l’impasse sur les conséquences produites par les restrictions budgétaires, les plans pluriannuels de suppressions d’emplois et les réorganisations-désorganisations des services qui rendent de plus en plus difficile l’exercice des missions aujourd’hui dévolues aux administrations.

De ce point de vue, la poursuite et l’intensification des politiques d’austérité programmées par les pouvoirs publics sur la durée du quinquennat (réduction de 3 % de la part des dépenses publiques dans le PIB à l’horizon 2022, suppression de 120 000 postes de fonctionnaires dont 50 000 dans la fonction publique de l’État et 70 000 dans la fonction publique territoriale) se sont traduites par de nouvelles et massives suppressions d’emplois dans la plupart des administrations de contrôle de l’État au titre de la loi de finances 2018.

L’UFSE-CGT observe que le Conseil d’État a formulé le même type de critiques en y ajoutant à juste titre que le projet du Gouvernement pourrait emporter des effets d’aubaine au bénéfice des personnes les plus à même de connaître le droit qui leur est applicable et de disposer, en interne, de compétences et de conseils juridiques adaptés à leur situation.

Il y aurait beaucoup à dire sur les différentes expérimentations proposées dans ce projet de loi.

L’une d’entre-elle consisterait, dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes à limiter les opérations de contrôle, toutes administrations confondues, à une durée cumulée de neuf mois sur une période de trois ans, effectuées dans les petites et les moyennes entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas cinquante millions d’euros.

Cette expérimentation est critiquable à plus d’un titre.

Tout d’abord, il est irrecevable de limiter, a priori, la durée des contrôles qui doivent être effectués.

Il n’est pas imaginable que les administrations puissent se retrouver dans l’impossibilité d’effectuer les différentes opérations de contrôle nécessaires au risque de se retrouver dans une situation de mise en concurrence consistant à privilégier un contrôle sur un autre.

Le projet de loi «  pour un État au service d’une société de confiance  » s’inscrit pleinement dans les objectifs poursuivis au titre du chantier « action publique 2022  ».

L’UFSE-CGT observe que ce projet de loi intervient pourtant dans un contexte qui ne cesse de confirmer l’importance et même le développement d’une véritable criminalité économique, fiscale, financière, sociale, alimentaire… Une criminalité qui présente par ailleurs des dimensions internationales, européennes, nationales et territoriales.

À l’évidence, le projet de loi proposé par Emmanuel Macron et son gouvernement est loin de répondre aux légitimes attentes des citoyennes, des citoyens mais aussi des personnels de la Fonction publique chargés de missions de contrôle et d’inspection.

Et pourtant… des réformes en suppressions d’emplois, de dépénalisation en privatisations, les attaques portées n’ont cessé de :

 ? Conduire au dépérissement du contrôle et de l’inspection,

 ? Reléguer l’intérêt collectif loin derrière le profit dès lors qu’il s’agit aussi d’abandonner ou/et de déléguer les vérifications,

 ? Contester à la puissance publique ces missions qui se focalisent, de manière préoccupante, sur le contrôle des personnes.

Dans le marché unique européen avec la prépondérance de la libre concurrence et dans une économie mondialisée accolée à des traités libéraux (TAFTA, etc…), le rôle de la puissance publique sur l’économie mais aussi sur le social est de plus en plus neutralisé.

Reprenant le credo des organisations patronales, des actionnaires et des marchés financiers… politiques et « experts  » ne cessent de mettre en exergue l’atteinte à la liberté, et le coût induit par les obligations législatives et réglementaires qui entameraient la rentabilité financière et donc la confiance.

Dans le même temps, celles et ceux qui ont besoin de faire respecter la loi, salariés, contribuables, consommateurs se trouvent de plus en plus dépourvus.

L’UFSE-CGT réaffirme que les missions de contrôle et d’inspection sont une des dimensions essentielles de l’action publique (Appareil d’État – éléments pour le débat – supplément au journal Fonction publique de l’UFSE-CGT).

Encore faut-il que les administrations et les personnels puissent disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de ces dernières.

Tel n’est pas, pour les raisons exposées ci-dessus, le sens du chantier « action publique 2022 » et du projet de loi « Pour un État au service d’une société de confiance » que les parlementaires ne doivent pas voter.

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