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Article publié le 17 avril 2010.

Tribune Libre parue dans l’Humanité du 10 avril 2010 : Fraudes : circulez, il n’y a plus rien à voir

Comment la RGPP, appliquée à la répression des fraudes, risque de diminuer la protection des consommateurs. Le tour de passe-passe est simple : il n’est même plus besoin de dépénaliser le droit des affaires, il suffit de rendre les services de contrôle inaptes à exercer leurs missions de service public . Tribune par Jean DULAC, secrétaire général du Syndicat National des Agents de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes CGT.

Cette réforme conduit à rendre illisible l’activité des services de contrôle, au risque de voir se substituer les procédures individuelles de défense dont l’accès sera de fait réservé aux consommateurs les plus aguerris ou les plus aisés.

Les personnels de la DGCCRF (Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) n’ont cessé d’alerter au cours de l’année 2009 les pouvoirs publics et l’ensemble des consommateurs, notamment par la pétition Consommateurs en danger qui a recueilli à ce jour près de 30 000 signatures.

Bien que les ministres affichent un satisfecit général pour l’efficacité de la DGCCRF, comme Christine Lagarde au moment de la mise en place des brigades de contrôle de la loi de modernisation de l’économie (LME), ils participent activement à la mise en place de la politique ultralibérale voulue et affichée par le président de la République. Rappelons que la DGCCRF, c’est aujourd’hui environ 3 600 agents, alors qu’elle en comptait plus de 4 500 au milieu des années 1990.

Les trois champs de compétences de cette administration rattachée à Bercy sont repris dans le sigle DGCCRF. Le premier C pour la concurrence, mission de détection des pratiques anticoncurrentielles, qui impactent les budgets des collectivités publiques comme les pratiques commerciales déséquilibrées entre producteurs et distributeurs. Le deuxième C pour la consommation, liée aux pratiques commerciales illicites relatives à la publicité, au démarchage et au crédit. RF, enfin, pour la répression des fraudes tant sur les produits alimentaires (date limite de consommation dépassée ou "remballe" de la viande) que sur les produits industriels (du fumarate dans les canapés, par exemple).

Alors que la future directive européenne sur les droits des consommateurs interdit aux États membres de maintenir ou introduire dans leur droit des dispositions visant à assurer un niveau de protection des consommateurs différent, les enjeux liés à l’existence d’un service d’État, réparti dans tous les territoires, doté de pouvoirs d’enquête appropriés sont évidents.

Le constat est alarmant : il n’est même plus besoin de dépénaliser le droit des affaires, il suffit de rendre les services de contrôle inaptes à exercer leurs missions de service public en réduisant fortement leurs effectifs. Le syndicat CGT de la DGCCRF ne peut se satisfaire de cette situation. C’est pourquoi il organise, ce 17 avril, les premiers états généraux de la protection économique des consommateurs pour faire connaître au grand public et aux médias les conséquences concrètes de la politique mise en oeuvre par le gouvernement et dénoncer le recul que représente le démantèlement en cours de la DGCCRF.

Au-delà du constat objectif de la régression de la protection des consommateurs, cette manifestation est porteuse d’un ambitieux projet alternatif en phase avec les besoins de protection des populations. Les liens entre économie mondialisée, consommation et fraudes innovantes liées aux nouvelles technologies, la place du mouvement consumériste au regard du besoin de défense des consommateurs et les droits et obligations issus des institutions européennes seront débattus en ateliers. Les tables rondes exploreront la protection des consommateurs comme enjeu de société face à une consommation dégradée et à des consommateurs en danger.

Les salariés consommateurs doivent pouvoir exiger de l’État, garant de l’intérêt général, la conduite d’une politique générale de protection des consommateurs à la hauteur des enjeux nouveaux issus de la mondialisation des échanges. L’accès à des produits de qualité, contrôlés par les pouvoirs publics, l’équité des contrats commerciaux y compris dans l’e-commerce, la sanction collective appropriée des pratiques délictueuses sont des exigences minimales auxquelles aspirent nos concitoyens. Le maintien d’une administration publique d’État nationale en réseaux chargée de la protection économique des consommateurs, avec des pouvoirs d’enquête renforcés et des moyens à la hauteur des besoins, est le seul garant de l’équilibre des échanges commerciaux entre les consommateurs et des professionnels honnêtes et responsables.

http://www.humanite.fr/Fraudes-circulez-plus-rien-a-voir

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