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Article publié le 3 juillet 2018.

En Guerre

Le dernier film de Stéphane BRIZE décrit avec justesse et intensité, la violence qu’exhale un plan de licenciemen collectif des plus iniques. Indispensable.

C’est bien d’une guerre dont il s’agit dans le dernier film, très politique de Stéphane Brizé. Celle que mènent les 1 100 salariés de Perrin Industrie contre leur direction qui décide brutalement de la fermeture de leur usine en dépit des sacrifices consentis (baisse des salaires) deux ans auparavant et d’un bénéfice record.

Sur fond de musique tonitruante emmenés par leur leader syndical. Laurent Amédéo, incarné par un Vincent Lindon révolté, ils se battent comme des lions pour sauver leur emploi : action en justice, piquets de grève, siège du MEDEF... Jusqu’aux rencontres avec un conceiller de l’Elysée et la direction allemande, décisionnaire. Avec, à la clé, un dénouement, paroxystique.

Hypperréaliste, le film décrit avec justesse le déséquilibre du rapport de force, la violence sociale générée par la décision de fermer une usine pourtant rentable, l’antagonisme entre le capital et le travail, les divisions syndicales (entre ceux qui se batten pour l’emploi et ceux qui préfèrent négocier un chèque), les tensions induites au sein des couples.

Dans ce drame social, les protagonismes ne font pas partie du même monde, ne parlent pas le même langage. Les salariés, conscients de ne pas retrouver de travail dans un territoire sinistre, parlent avec leurs tripes. Vincent Lindon s’indigne de la parole bafouée. En face, leur direction, faussement solidaire - sur le mode "On est tous dans le même bateau" - rabache un discours de raison, au nom de la sacro-sainte compétitivité. Le conseiller social de l’Elysée se veut lénifiant "Une intervention trop lourde de l’Etat serait un signal négatif pour les investisseurs. Le président vous apporte son soutien moral"

L’histoire des Perrin, dont les médias (omniprésents dans le film) se font plus ou moins l’écho, c’est aussi celle tristement banale des Goodyear, des Conti, des Whirpool, des GM&S et de tant d’autre. Mais En guerre est un film nécessaire. dans la lignée de La Loi du marché déjà servi par Vincent Lindon et des comédiens non-professionnels, il donne à voir une violente sociale que les puissants cherchent à nier.
Sarah DELATTRE - Ensemble n°109 - Juin 2018

En Guerre de Stéphane BRIZE. Avec Vincent LINDON. 1h53 min.

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