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Article publié le 15 février 2017.

Paroles d’agent : burn out

Paroles d’agents

Partout la Souffrance s’installe dans nos rangs.

Elle n’est pas dans un registre habituel. Elle ne tient pas qu’aux nécessaires difficultés à affronter la transition entre deux époques, pas qu’à des rapports conflictuels entre agents et cadres.

Elle est plus profonde, plus sourde, plus complète. Elle est celle de fonctionnaires qui sont aussi des citoyens et des contribuables qui, jours après jours, assistent à l’agonie de tout ce qui fait le Service Public.

C’est toute la dimension idéologique de la casse qui aujourd’hui pèse sur les personnels, les percute.

Chacun le ressent à sa façon.

La CGT a décidé d’en publier les témoignages.

Vous allez découvrir ci-après la lettre d’un collègue qui nous a exprimé son ressenti et que nous retranscrivons telle qu’elle.

Le BURN OUT pour tous !

La fonte des effectifs de la DGCCRF a été tellement dramatique que sa représentation locale ne s’évalue plus que par comparaison entre départements.

Or, comparaison n’est pas raison : si ne plus avoir que quelques agents CCRF dans les DDCSPP des départements les moins peuplés de France est tragique pour le service public à rendre par cette administration, ça ne le devient qu’à peine moins dans les DDPP des départements les plus peuplés, où il n’y a plus que quelques dizaines d’agents CCRF (rarement plus de 100, à ma connaissance) pour rendre service à plus de 500.000 citoyens consommateurs, voire plus de deux millions (ex : le NORD et PARIS), vivant dans un tissu économique à l’avenant.

Sous prétexte que les effectifs CCRF y sont plus importants que dans les départements où ils sont devenus indigents, les agents en DDPP se retrouvent attributaires de quasiment toutes les tâches nationales que la Centrale sait ne plus pouvoir être faites ailleurs car, dans les DDCSPP, il n’est pas douteux que les agents CCRF sont déjà aux taquets de la polyvalence imaginable, voire au-delà.

Tout cela a commencé avec la LOLF et n’a fait que s’aggraver, notamment à grand renfort d’innovations procédurales à prendre en charge par des agents de moins en moins nombreux ! La LOLF a érigé un système d’autojustification perpétuelle des services publics qui, bien sûr, ne pouvait pas manquer de se répercuter sur les agents. Les services publics étaient dès lors voués à être envisagés en termes d’objectifs et à être évalués sous formes de résultats chiffrés. La performance a pris le pas sur toute autre forme d’appréciation du service public rendu. Avoir laissé la Justice s’engorger est un signe de déliquescence de notre société.

Plutôt que de renforcer ce service public, on a préféré, en ce qui concerne les missions de la CCRF, dépénaliser certaines infractions ou reprendre ou créer des procédures alternatives à la saisine de la justice pénale. Si elles font illusion auprès de ceux pour qui le travail n’est qu’une vue de l’esprit dès lors que le leur ne consiste qu’à en confier aux autres (chef à la CCRF : entre vaguemestre, boulier-compteur et garde-chiourme ?), ces voies sont devenues des alibis : l’engorgement de la Justice est devenu un prétexte pour les utiliser (alors pourquoi y remédier ?), sans souci des conséquences, en particulier celles induites par l’apparente facilité de leur mise en œuvre due à la maîtrise qui en est laissée à ceux qui les initient.

Oublié le taux de classement sans suites ! Vive la transaction, les sanctions administratives et l’assignation civile ! Foin également des parties civiles et de la jurisprudence ! Ne reste plus qu’à créer les indicateurs et les objectifs qui vont avec des procédures boutiquières et tout devrait rouler. C’est peut-être oublier la lourdeur due au va-et-vient inhérent au respect du principe contradictoire applicable dans le cadre des procédures administratives ou civiles. C’est non seulement le nombre de contrôles à effectuer qui est fixé d’avance mais également la proportion des suites par nature (répressives, pédagogiques ou RAS).

Quand on entend parfois certains chefs parler des dossiers, on devine que l’idée sous-jacente est de répondre à des objectifs de forme et non de fond : l’esbroufe du chiffre et de la procédure avant l’efficacité judiciaire. Face à une de ces escroqueries commerciales dont le traitement échoit à une DDPP au hasard de plaintes multiples, il faut oublier l’article 40 du CPP à cause duquel il faudra ravaler au rang de manœuvres frauduleuses toutes ces infractions plus modestes mais passibles de sanctions administratives ou accessibles à la transaction.

D’abord, il faut se trouver une infraction « technocratique » (une histoire de formalisme non respecté : démarchage téléphonique mal ficelé, par exemple) pour rédiger un PVA où fixer une amende administrative à tout casser et demander la publication de cette décision.

Ensuite, trouver de quoi rédiger une assignation en référé pour faire cesser l’aspect visible de la pratique qui a convaincu le prospect de contracter (un support à caractère publicitaire) ; enfin, se garder sous le coude un petit bout plus obscur pour rédiger un PV pénal et ouvrir une voie de droit aux victimes (il ne faudrait pas avoir l’air de les oublier, non plus).

Le problème, c’est qu’en réalité plusieurs DDPP travaillent ainsi successivement sur les mêmes agissements orchestrés par les mêmes personnes, sans jamais prendre l’initiative d’une communication nationale et qu’à chaque fois, c’est pareil : les têtes pensantes sont à l’abri à l’étranger, leurs sociétés de paille cessent leur activité, leurs gérants du même bois disparaissent… et incidemment, on apprend que la Gendarmerie Nationale est sur le coup depuis plusieurs années et que la qualification d’escroquerie en bande organisée convient très bien au magistrat instructeur pour demander une coopération transfrontalière et mettre les têtes de réseau sous les verrous.

Combien de temps perdu à rédiger de multiples actes et en va-et-vient pour signifier une amende administrative au recouvrement hypothétique et à demander l’avis de la DG sur l’opportunité et les modalités d’une publication de la décision d’amende… Tout ça pour le « plaisir » de mettre en œuvre de nouvelles procédures…

La DGCCRF, administration alibi dans des domaines où elle n’a rien à faire : la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, par exemple. Parce que la France s’est engagée auprès de l’instance internationale ad hoc à faire procéder au contrôle du respect d’obligations de vigilance en la matière, c’est tombé sur la DGCCRF en ce qui concerne les transactions immobilières (et aussi la domiciliation d’entreprises).

Une fois lue la pachydermique fiche de TN sur le sujet, on se rend compte qu’à la moindre anicroche, l’enquêteur est censé rédiger un rapport d’enquête destiné à une autorité administrative indépendante nommée Commission Nationale des Sanctions. Quand cette TN se cumule avec d’autres également relatives à l’immobilier, ce sont plusieurs pachydermes réglementaires que les enquêteurs ont à cornaquer… auxquels s’ajoutent généralement plusieurs autres.

Vous aussi faites nous part de votre ressenti

Pour bien combattre la casse du service public, il faut d’abord bien la connaître et en comprendre les mécanismes. Les témoignages vécus servent d’alerte, mais peuvent aussi nous aider à mieux lutter pour sauvegarder une administration au service des citoyens.

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