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Article publié le 6 mars 2013.

Temps de travail : un recours gagnant de la CGT

Suite à un recours (p.j. 1 et p.j. 2) introduit par l’UGFF-CGT contre deux arrêtés du premier ministre en date du 27 mai 2011 (p.j. 3) et relatifs à l’organisation du temps de travail dans les DDI des précisions importantes viennent d’être apportées par le conseil d’état (p.j. 4) le 30 janvier dernier.

LE FORFAIT CADRE

Introduit dans la Fonction publique par l’article 10 du décret 2000-815 du 25 août 2000, le forfait cadre est contesté pour la CGT (CE dossier UGICT p.j. 5). En effet, ce dispositif qui, selon le décret, doit être réservé à des « personnels chargés soit de fonction d’encadrement, soit de fonction de conception… disposant d’une large autonomie » est fréquemment utilisé pour retourner la réglementation du travail. Les agents placés dans cette situation, en échange d’un nombre forfaitaire de jours de RTT, peuvent ainsi se voir imposer une charge de travail qui dépasse largement celle des autres agents sans percevoir de rémunération pour les heures supplémentaires et, souvent, en dépassant les durées de travail journalières et hebdomadaires prévues par la réglementation. Pour la CGT, ce n’est pas parce qu’on est cadre chargé de fonction de direction qu’on ne doit pas toucher une rémunération proportionnelle à son temps de travail, ni bénéficier des minimums légaux de temps de repos.

Utilisant une disposition préexistante pour les agents de jeunesse et sport, le premier ministre voulait étendre le principe du forfait cadre à toute une catégorie de personnels n’entrant pas dans le champ d’application de l’article 1er du décret du 25 août 2000. Sur ce point, le conseil d’État donne entièrement raison à la CGT en limitant, dans les DDI, l’application du forfait cadre aux seuls directeurs départementaux et directeurs départementaux adjoints ainsi qu’aux chefs de service placés directement sous eux et exerçant des fonctions d’encadrement.

Pour ce qui concerne les agents jeunesse et sport, contrairement à ce qui est propagé par d’autres syndicats, l’arrêt du conseil d’Etat ne remet pas en cause les acquis de ces personnels en matière de durée et d’organisation du temps de travail. Le nouvel arrêté, que le premier ministre devra prendre, pourrait en effet consolider voire améliorer les acquis dans le cadre des dispositions de l’alinéa 1 de l’article 3 du décret d’août 2000 qui permet de traiter des situations spécifiques. La CGT entend construire une revendication en ce sens, y compris en intersyndicale.

Par ailleurs, toujours au sujet du forfait cadre, l’UGFF contestait également l’arrêté du premier ministre au motif qu’il ne permettait pas de prévenir des dépassements les durées de travail maximales prévues par les directives européennes.

Sur cette question, si le conseil d’état nous déboute sur la forme au motif que cela ne relève pas de l’arrêté, il donne raison à la CGT sur le fond en précisant « qu’il appartient à l’administration de veiller au respect des temps de travail maximum et des temps de repos minimum ». Pour les cadres qui demeureront sous le régime du forfait, c’est donc la circulaire d’application qui devra préciser les procédures permettant d’éviter les surcharges de travail et le respect effectif des durées légales de travail et de repos.

La CGT contestait également l’arrêté du 27 mai 2011 sur la question des astreintes. En effet, la réglementation prévoit une période de repos minimale de 11 heures entre deux périodes de travail et l’arrêté permettait de placer des agents en astreinte, et donc de les faire travailler occasionnellement, pendant cette période de repos. Sur cette question également, le conseil d’état nous déboute sur la forme, mais nous donne raison sur le fond, en précisant que si un agent est amené à intervenir pendant son astreinte, il ne pourra alors reprendre son travail habituel qu’après un repos de 11 heures suivant la fin de l’intervention. L’arrêt demeure cependant muet sur le caractère illégal d’une intervention qui interviendrait moins de 11 heures après la fin du travail habituel. Ainsi, si la décision du conseil d’Etat constitue bien une avancée, elle ne tire pas toutes les conclusions de l’avis du comité de dialogue social européen qui considère que « l’assimilation des périodes d’astreinte à un temps de repos constitue une violation du droit à une durée raisonnable du travail prévue par l’article 2/1 de la charte sociale européenne ».

Enfin, l’UGFF contestait également les dispositions de l’arrêté du premier ministre concernant le temps de déplacement effectué, à la demande de l’administration, pour rejoindre un autre poste que le lieu de travail habituel de l’agent

En effet, l’article de l’arrêté prévoit que « les déplacements professionnels effectués en dehors du cycle de travail des agents soumis à un décompte horaire de leur durée de travail » sont assimilés à du « temps autre » tel que prévu à l’article 9 du décret du 25 août 2000.

Cette catégorie, créée par l’article 9 du décret, est surprenante puisqu’elle ne correspond ni à du temps de travail, ni à du temps de repos, ni à l’astreinte ! Considérer que le temps de déplacement effectué à l’occasion de missions entre dans cette catégorie, c’est considérer que les trajets effectués à la demande de l’employeur ne sont pas du temps de travail effectif et donc n’entrent pas dans le calcul des heures supplémentaires, ni dans celui des durées maximales de travail et minimales de repos. Autrement dit, l’administration pourrait envoyer un agent travailler 10 heures à 3 heures de route de sa résidence administrative sans être dans l’illégalité. Sur cette question, le conseil d’État emploie une formule alambiquée en précisant que « dès lors que l’article 10 de l’arrêté attaqué s’applique uniquement, selon ses termes mêmes, aux déplacements mentionnés à l’article 9 du décret du 25 août 2000, et ne régit ainsi pas les situations de travail effectif ou d’astreinte, il pouvait légalement définir les modalités de la compensation des situations dans lesquelles des obligations liées au travail sont imposées aux agents sans qu’il y ait travail effectif ou astreinte ».

Traduit en français, cela semble vouloir dire que les déplacements effectués à la demande de l’employeur sont du travail effectif sauf si ces déplacements sont en relation avec des « temps autre » tel qu’inventé par l’article 9 du décret d’août 2000 !

Dans une décision antérieure (CE 29-8034 du 7 mars 2005), le conseil d’Etat s’était montré plus clair en annulant un arrêté du ministre de la culture qui prévoyait que « les déplacements effectués dans le cadre des fonctions des agents sont du temps autre ».

En tout état de cause, ces décisions ne concernent pas, par leur portée juridique, les seules DDI.

De ce fait, les arrêtés pris par chaque ministère en application de la RTT devraient être passés au crible de cette jurisprudence.

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