Article publié le 11 juin 2025.
Comité de suivi de l’accord interministériel en santé complémentaire du 5 juin 2025 : déclarations UFSE-CGT et intersyndicale
Déclaration intersyndicale
Monsieur le Directeur Général de l’Administration et de la Fonction Publique,
Nos organisations CGT, FSU, Solidaires et UNSA sont pleinement engagées dans la mise en œuvre de l’accord sur la protection sociale complémentaire en santé et en prévoyance dans la Fonction publique de l’État.
Le Comité de suivi de l’accord interministériel sur le volet santé se tient, ce 5 juin 2025, dans un contexte inquiétant pour la couverture des agent.es actif•ves et retraité•es, pour la qualité de service attendue par les services RH et pour le dialogue social. En tant que 1er signataire, le ministre de la Fonction Publique a la responsabilité de s’assurer que les choix d’opérateurs par les ministères ne vont pas à l’encontre du progrès attendu et de la réponse aux besoins des agent⋅es.
Après les décisions prises au ministère de l’Environnement et de la Transition Écologique, à l’Assemblée Nationale et aux Services du Premier ministre, l’annonce du choix d’ALAN aux ministères économiques et financiers est, une nouvelle fois, incompréhensible.
Le choix d’ALAN nous questionne et nous inquiète quant au prestataire retenu.
Le modèle économique d’une start up nous semble plus qu’aventureux y compris sur sa solidité financière. Nos organisations vous alertent solennellement sur les risques de ce choix pour les agent•es de l’ensemble des ministères dans lesquels le choix s’est porté sur ALAN. Nous profitons de ce COSUI pour vous interroger sur les garanties que vous comptez mettre en place au cas où ALAN périclite, comment envisager une stabilité avec une entreprise qui est en déficit ? Quelles garanties sont mises en place pour garantir quoi qu’il arrive que les frais de santé des agent•es soient bien pris en charge en cas de faillite ?
Pour nos organisations, le choix n’est pas neutre. Pour nos organisations, le choix d’ALAN que nous rejetons n’est pas neutre du point de vue des politiques publiques en santé. Pour nous la santé des agent⋅es publics, actif⋅ves et retraité⋅es n’est pas une marchandise.
De plus, le choix d’ALAN pose des questions quant à la sécurisation des données de santé des agent•es public•ques des Finances, du SPM (dont l’ANSSI) et du MTE. Pour nous ALAN n’offre aucune des garanties de sécurité que nous voulons pour les personnels. Les données de santé doivent être hébergées sur le territoire national, dans des serveurs sécurisés : c’est une exigence qui ne doit pas être négociable !
Nous nous interrogeons également sur l’existence d’un réseau de proximité permettant l’accompagnement des agents sur tout le territoire par la société Alan.
Nos organisations sont attachées aux valeurs mutualistes et humaines, qui ont une histoire longue et très ancrée dans la Fonction Publique, qui se caractérisent, notamment, par une proximité humaine sur l’ensemble du territoire, ce que demande les agent⋅es actif⋅ves et retraité⋅es.
Nos organisations demandent qu’un autre choix qu’Alan soit fait, à Bercy comme ailleurs.
Déclaration CGT
En France, le droit commun en termes de PSC est la situation majoritaire dans le privé, c’est à-dire la codétermination du régime complémentaire par un accord majoritaire, et la concertation sur le choix de l’opérateur par l’employeur dans le cadre des commissions paritaires de suivi.
L’accord interministériel en santé dans la FPE s’inscrit dans le cadre de ce droit commun, qui reconnaît aux syndicats un véritable pouvoir sur la construction et la mise en œuvre des régimes complémentaires. Ce pouvoir, les syndicalistes le détenaient déjà par leur investissement dans les mutuelles. Les agents restent dans les contrats obligatoires les principaux financeurs, et de loin, de leur protection sociale complémentaire dans les contrats obligatoires de l’Etat.
L’Etat ne peut pas s’attribuer un pouvoir qu’il n’a pas, d’autant plus qu’en signant les accords interministériel et ministériels, il s’est interdit à lui-même d’agir seul. Le sens politique des accords majoritaires en santé et prévoyance que nous avons signés, c’est qu’à partir du moment où elles font les efforts nécessaires en termes de tarif concurrentiel, les mutuelles historiques de la Fonction publique ont vocation à être choisies comme opérateurs au lieu d’être détruites par les nouveaux mécanismes de concurrence. C’est pourtant ce que l’Etat vient de décider pour la mutuelle historique du ministère des Finances, la détruire.
Au sein de l’appareil d’Etat, une analyse néo-libérale du marché de l’assurance de personne est présente :
– peu importe la nature lucrative ou non lucrative des opérateurs, ce sont toutes des entreprises d’assurance ;
– ces entreprises sont poussiéreuses et construites sur des rentes, particulièrement pour les non-lucratives, donc les mutuelles ;
– de nouveaux acteurs innovants vont remplacer les anciens, en développant la communication numérique et en réduisant de moitié les frais de gestion.
Cependant, l’Etat employeur doit prendre conscience que quelles que soient les opinions débattues en son sein, il s’est déjà interdit à lui-même de mettre en œuvre face à l’opposition unanime des syndicats une politique de « nettoyage » des anciens opérateurs mutualistes en soutenant les nouvelles « start up ». Sinon, c’est un autre accord que l’Etat devait signer !
Attribuer à ALAN la gestion de 210.000 agents dans trois ministères, c’est le strict équivalent d’une aide d’Etat sur près de la moitié du chiffre d’affaires de cet opérateur. C’est une décision de politique économique, de restructuration brutale du marché de l’assurance de personnes, qui fait porter l’intégralité du risque économique, considérable, sur les agents, alors que ce sont eux qui paient tout pour leurs ayants-droits et presque tout pour les options. La mise financière de l’Etat est bien loin d’être assez forte pour s’arroger le droit exorbitant de mettre à mort un siècle de mutualisme et d’investissement des syndicats dans la mutualité au ministère des Finances, comme c’était le cas à l’Ecologie.
Abandonner, pour le même coût déclaré, des opérateurs qui sont sûrs, solides et rentables, qui accompagnent les agents et leurs difficultés depuis longtemps, pour un opérateur qui vit d’emprunts et de dettes et privilégie la communication immatérielle est un choix irresponsable de politique économique et de politique sociale pour le ministère des entreprises qu’est celui des Finances. Les acteurs les plus établis de l’assurance de personnes considèrent le modèle économique d’ALAN comme une pyramide de Ponzi.
Le choix d’ALAN, et tout particulièrement le dernier choix fait aux Finances, qui a été autoritairement imposé à ce ministère du haut en bas de ses personnels, est une véritable déclaration de guerre dans toute la fonction publique et à la mutualité et aux organisations syndicales signataires des accords et cogestionnaires des régimes complémentaires.
Si le gouvernement choisit la guerre de tranchée, il aura la guerre de tranchée. Il est encore temps pour le ministère des Finances de réviser son choix, ALAN ne peut et ne doit pas être son opérateur complémentaire en santé !