Article publié le 30 mars 2018.
CGT Fonction publique : prévention des violences sexistes et sexuelles au travail
Nous attendons du gouvernement une position forte. Pour rappel, l’accord égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la Fonction publique du 8 mars 2013 était une première avancée importante. Aujourd’hui, cet accord n’est pas ou très peu décliné dans les administrations, collectivités, établissements de santé.
Malgré le volet juridique très riche, nous ne voyons aucune avancée réelle dans la prévention des violences. Nous ne sommes pas pour la mise en place d’un nouveau dispositif mais plutôt de conforter l’existant et d’aller plus loin dans la prévention, l’accompagnement et la réparation des victimes. L’exemplarité de l’Etat et de son administration doit être un levier pour lutter contre les violences sexuelles au sein de la société et notamment les violences faites aux femmes au travail.
1/ Prévenir
Constat : l’administration est tenue de mettre en œuvre les principes généraux de prévention définis à l’article L.4121-2 du code du travail, qui impose de « planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales, et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1125-1 et L. 1153-1 ».
Propositions :
– Obligation dans un délai contraint, avant le 1er janvier2019, de mise en place d’un protocole de prévention et de traitement des situations de violences sexuelles dans toutes les administrations françaises, approuvé par le CHSCT (avis obligatoire et conforme) ;
– Obligation de constituer un comité de suivi sur les violences sexuelles au sein du CHSCT. Il devra mener un programme de prévention de façon indépendante, au sein de l’administration sur la base d’un budget alloué de façon obligatoire par l’administration ;
– Formation obligatoire des membres du CHSCT, des agent-es, des encadrant-es, des directrices et directeurs, RH, médecins du travail sur les violences sexuelles et des personnels des services d’accueil des victimes (police, gendarmerie, hôpitaux, services sociaux) ;
– Formation obligatoire dans les écoles de l’Administration et autres écoles ou instituts de formation professionnelles des 3 versants.
– Une personne référente dans chaque ministère de tutelle pour répondre aux directions si besoin d’aide
– Éditer une brochure « Lutte contre les violences » à distribuer aux agent-e-s dans toute la Fonction publique.
2/ Traiter les signalements et les plaintes :
Constat : l’administration a un devoir de protection de ses agent-es, malgré cela, les victimes de violences sexuelles doivent se battre pour faire reconnaître leur souffrance et leurs droits. Toutes n’ont pas les moyens de le faire. La plupart du temps, les victimes sont déplacées dans une autre direction, ce qui n’est actuellement pas interdit juridiquement. Il est inconcevable que le présumé agresseur reste sur le même lieu de travail que la victime. Pour que les victimes se sentent autorisées à parler et dénoncer ces situations intolérables, elles doivent être rassurées et réellement protégées.
Propositions :
– Une enquête administrative indépendante doit pouvoir être diligentée le plus rapidement possible. Dans un premier temps il peut s’agir d’une pré-enquête de nature à déterminer si une enquête plus approfondie est nécessaire et quel doit être son périmètre.
– Le CHSCT devra obligatoirement être saisi.
– Dans l’attente de l’établissement des faits, une mesure interne de changement d’affectation de l’agresseur présumé peut être prise, et si des recommandations de l’enquête le prévoient, la suspension de l’agresseur doit être prononcée en attente du verdict du conseil de discipline.
– Sauf accord explicite et écrit de la victime, interdiction de la déplacer.
– Obligation faite aux administrations d’informer les victimes (et l’ensemble des agents) sur leur droit à la protection fonctionnelle et notamment le droit de bénéficier de la prise en charge de frais d’avocat, y compris dans le cadre non- pénal et pré-contentieux (ce qui est actuellement admis par la jurisprudence mais qui devrait figurer dans le statut).
– Obligation pour l’administration de faire l’avance des frais d’avocat sur la base d’une convention d’honoraire qu’elle peut refuser si et seulement si elle démontre l’existence de tarifs prohibitifs par rapports aux tarifs du marché.
– Possibilité de rencontrer les professionnel-les de santé pour tous les agent-es du service et plus largement, ceux impliqués dans l’enquête.
3/ Qualifier :
Constat : les textes qui définissent les différentes violences sexuelles et notamment le harcèlement et les agressions sexuelles sont assez clairs et ne nécessitent pas d’être modifiés. Il existe actuellement une jurisprudence de plus en plus importante de la Cour de cassation et du Conseil d’état sur ce corpus législatif, créant une plus grande sécurité juridique des victimes
Propositions :
– A l’issue de l’enquête, l’administration, après avis conforme du CHSCT, doit adresser un courrier motivé à la victime sur la/les procédures qu’elle entend mener, la façon dont elle entend la protéger.
– La victime, si elle le souhaite, doit pouvoir être reçue par l’employeur.
– L’agent auteur des faits sera normalement reçu comme dans le cadre du contradictoire qui s’impose à la procédure disciplinaire.
4/Sanctionner :
Constat : il existe la procédure disciplinaire et l’action indemnitaire. Elles ne sont bien sûr pas exclusives d’une action pénale.
Propositions :
– Sanctionner l’agresseur : la procédure disciplinaire
- Elle doit rester à l’initiative de l’employeur mais avec un droit de proposition d’un niveau de sanction par le CHSCT. L’employeur devra motiver le recours à une sanction inférieure à celle proposée.
- Reconnaître le droit à la victime de prendre part à la procédure disciplinaire non pas comme témoin mais comme « intervenant volontaire ». Ce statut lui donnera le droit de participer au débat contradictoire si elle le souhaite et d’y être accompagnée. Elle pourra apporter des éléments et en particulier dans le cas où l’agresseur userait de mensonges et de calomnie à son égard. L’administration devra alors identifier l’ensemble des victimes et les informer de leur droit à intervenir de façon volontaire à la procédure disciplinaire. Si les victimes ne souhaitent pas intervenir devant le conseil de discipline, cela ne doit pas leur être préjudiciable et d’autres possibilités de recueil de leur parole doivent leur être proposées.
- A l’issue de la procédure disciplinaire, l’arrêté de sanction est transmis, en plus de son destinataire, au CHSCT, à la /aux victimes.
- La victime devrait être destinataire d’1 information écrite des suites données sur le plan de l’organisation du travail.
- Durée de la procédure : Un délai de 4 mois entre la plainte et la décision éventuelle de sanction semble être un maximum.
– Sanctionner les manquements de l’employeur non-diligent ou en situation de conflit d’intérêt avec l’agresseur : Il convient de conserver des garde-fous qui doivent permettre aux victimes de se plaindre non seulement de leur agresseur mais également de la violence institutionnelle qui constitue la fameuse « double peine » et qui fait aussi souffrir les victimes. Elles devraient pouvoir déposer une plainte auprès du référent « violences sexuelles » qui pourra en référer au CHSCT. Cette instance pourra alors mettre en place des mesures d’enquête si nécessaire afin d’établir les faits. Sur cette base la victime pourra soit envisager une action pénale contre l’auteur/les auteurs des faits si leur attitude est pénalement qualifiable, soit une action en responsabilité pour faute de l’administration.
5/ Reconnaître
Constat : très souvent les victimes de harcèlement bénéficient d’arrêts de travail. Il est totalement injuste que ces arrêts, au-delà de 3 mois ne soient rémunérés qu’à mi-traitement. Par ailleurs, elles sont parfois obligées d’être médicamentées. Les frais médicaux ne doivent pas être supportés par elles. Cependant, une reconnaissance de la maladie professionnelle ou de l’accident de travail (si un fait unique à l’origine de la maladie) peut être encore une nouvelle épreuve difficile à surmonter dès lors qu’il n’y a pas de caractère d’automaticité de cette reconnaissance.
Propositions :
– Faciliter la reconnaissance de la maladie professionnelle ou de l’accident de travail en inscrivant a tableau les maladies du type : névrose post-traumatique en lien avec les événements vécus sur le lieu de travail / état anxieux et dépressif lié aux difficultés sur le lieu de travail...
6/ Réparer :
Constat : la victime peut directement s’adresser à son employeur public pour engager la responsabilité de la personne morale du fait de la faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service d’un de ses agents. Néanmoins ce droit est très méconnu et les victimes n’osent pas demander réparation des dommages subis.
Propositions :
– Obligation de l’employeur de porter à la connaissance des victimes ce droit ;
7/ Contrôler :
L’ensemble des mécanismes de protection des victimes de violences sexuelles devront être évalués tous les ans. Recensement sexué dans les bilans sociaux des cas de violences sexistes et sexuelles.