Article publié le 28 juin 2017.
Dérives sécuritaires : la République en danger !
L’état d’urgence a été adopté le 26 novembre 2015 et est prorogé depuis.
Et pourtant, tous les contrôles effectués ont permis de dégager des abus sur les mesures ordonnées dans le cadre de l’état d’urgence mais aussi des pratiques constitutives d’un détournement de l’état d’urgence dont les entraves aux libertés syndicales (interdiction de manifester ou contraintes de sécurité qui entravent l’activité syndicale…).
Dernier en date, le rapport d’Amnesty international alerte sur le droit de manifester menacé en lien avec les mesures de l’état d’urgence.
S’appuyant sur des faits incontestables, cette organisation demande la fin de l’Etat d’urgence si sa nécessité n’est pas démontrée. Les chiffres sont très significatifs : 155 manifestations interdites en 18 mois, 639 mesures individuelles d’interdictions de manifester, 1000 blessés lors des manifestations à Paris…L’état d’urgence permet bien de restreindre la liberté de manifester.
D’ailleurs le conseil constitutionnel a déclaré, le 9 juin dernier, suite à une plainte, les interdictions de séjour anti constitutionnelles. Il s’agit là de la mesure phare de l’état d’urgence qui a permis les 639 interdictions individuelles de manifester.
Il est grand temps d’en finir avec cet état d’urgence en rien efficace pour la lutte contre le terrorisme.
Il est tout aussi contestable et voire encore plus problématique de vouloir inscrire dans le droit commun les mesures restrictives de libertés prévues jusqu’ici dans l’état d’urgence.
Aussi nous acceptons encore moins le projet de loi sur la sécurité intérieure présenté au conseil des ministres. Ce que propose ce projet de loi fait du régime d’exception la règle, conforte le règne de l’arbitraire et les préfets dans leurs « super pouvoirs », sans contrôle réel du juge judiciaire.
La création de périmètres de protection avec fouilles corporelles, de véhicules et de bagages (qui pourraient également être effectuées par la police municipale et des vigiles privés) et les sanctions lourdes envers celles et ceux qui refuseraient ces contrôles pourront alors être utilisées pour entraver le droit de manifester.
Des privations de liberté pourraient également concerner toute « personne » dont « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement » constitue « une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ». Ce ne serait donc pas sur la base d’actes mais d’un « comportement » que des assignations à résidence, des perquisitions électroniques, des obligations de signaler tout déplacement en dehors d’un certain périmètre … ou encore des placements sous surveillance électronique mobile pourraient être décidés par le préfet ou le procureur de la république de Paris. Ces privations de libertés pourront, comme elles l’ont déjà été, être dévoyées contre les manifestant.e.s et les militant.e.s.
En plus des restrictions de libertés, les dérives sécuritaires impactent aussi très clairement le contenu des missions publiques, les conditions de travail des agents de tous les services publics.
La lutte contre le terrorisme, contre la « radicalisation » a des conséquences sur le service rendu aux usagers, la prise en charge de certains publics par les fonctionnaires, sur les conditions de travail, sur le respect de la laïcité …
La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a d’ailleurs rendu un avis le 18 mai dernier sur les dispositifs de lutte contre la radicalisation qui mettent en évidence les amalgames, discriminations, stigmatisations contre-productives et le fait que le travail social est subverti à des fins de renseignement.
Ces politiques publiques légitiment aussi une réorientation budgétaire sur des missions sécuritaires.
Le projet de loi présenté au Conseil des Ministres aura indéniablement des conséquences sur les personnels de la fonction publique d’Etat, leurs missions, leurs conditions de travail : justice, défense, police, douanes, préfectures, affaires sociales, culture…
Si nous souhaitons la fin des actes terroristes sur notre territoire et ailleurs, nous n’acceptons pas que cette bataille soit instrumentalisée pour restreindre nos libertés, pour restreindre les missions de service public, pour stigmatiser et diviser la population.
L’UFSE-CGT a des propositions concrètes à faire relatives aux missions de service public et se tient prête à les exposer lors d’une audition publique de la commission des lois.
L’UFSE-CGT exige qu’un réel et large débat public ait lieu !