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Article publié le 18 octobre 2018.

Compte rendu de la bilatérale du 10 octobre 2018

Le 10 octobre 2018, la CGT était reçue par Mme GENY STEPHANN, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’économie et des finances M. LE MAIRE, en présence de Mme BEAUMENIER, notre Directrice Générale.
La délégation CGT était composée d’Alexandre DERIGNY et Mickael WICKE pour la fédération des Finances CGT et de Brigitte BIDAULT, Hélène COURTIN et Marie Dominique BORDES HIDEUX pour la CGT CCRF.

Les échanges ont porté sur l’avenir de la CCRF dans le contexte d’AP 2022 et la réforme brutale de la DGE (pôle 3E).

Notre déclaration liminaire, lue en préambule, fait le point sur le contexte, les constats et les revendications de la CGT sur les points abordés dans les précédents groupes de travail.

En effet, cet exercice de revue des missions a déjà été pris à bras le corps par la CGT lors de cycles de travail avec l’administration depuis 2010. Nous rappelons que nos mémorandums concernant la CCRF et les laboratoires reprennent justement les propositions de la CGT.

Déclaration liminaire

Madame la Secrétaire d’Etat,

Suite aux annonces du Ministre Bruno Le Maire, un premier cycle de bilatérales avec les Fédérations syndicales des Finances débute. Le SNACCRF-CGT exprime toujours son incompréhension face à ces annonces : comment cette nouvelle phase de discussions s’insère-t-elle dans le contexte actuel (rapport AP 2022, circulaires du Premier Ministre en date du 24 juillet) alors que les préfets ont déjà fait remonter des propositions d’organisations nouvelles des services !

Sur le contexte de cette réunion :

Le SNACCRF-CGT tient à rappeler que les circulaires du 24 juillet du 1er ministre, sont notamment caractérisées par :

1) l’affirmation de l’exercice des missions au niveau départemental,

2) en contradiction avec ce premier axe, la mise à disposition d’outils visant à masquer le désastre de la baisse des effectifs programmée à la DGCCRF et plus largement dans la Fonction Publique de l’Etat,

3) une mutation des inter-ministérialités en une préfectoralisation qui risque, de fait, d’entraîner le transfert d’agents et de missions vers d’autres ministères. Ce que nous refusons. L’exercice de nos missions en serait altéré compte-tenu des objectifs différents de chaque ministère et des politiques publiques qui leur sont dévolues.

Pour la CGT ces circulaires sont mortifères (dès lors qu’elles s’inscrivent dans une logique d’austérité généralisée et accélérée) pour l’avenir des services publics. Au CT des DDI du 6 septembre dernier, la CGT a demandé leur retrait.

Sur la situation à la DGCCRF :

Ce n’est pas l’objet de la DGCCRF qui est ici en cause. C’est la responsabilité que se sent l’Etat dans les politiques publiques tendant à la protection économique des consommateurs.

La question réside donc dans l’adéquation des moyens aux missions et non dans celle des missions aux moyens. Cette dernière relève d’un cercle vicieux amenant un effritement continuel et rien de plus.

En conséquence, la CGT estime que la priorité est un abondement en budget (pour un département comme la Seine-Maritime, le BOP 134 correspond à moins de 10 000 € par an pour une trentaine d’agents) et surtout en personnels (rappelons la revendication portée par la CGT de 400 emplois immédiatement auxquels on peut ajouter la quarantaine perdue dans le hold-up de l’an dernier, cela pour revitaliser l’ensemble de services déconcentrés … sans parler des 140 agents rayés des cadres en 2018).

De façon plus pratique, on ne peut admettre que Bercy lance une politique de liquidation rampante de notre administration pour solde de son énième échec de mise en place d’une régionalisation à la DGCCRF. C’est pourtant à cela que nous mènent les réflexions en cours, pour cette nouvelle revue des missions, en tendant à siphonner le terrain de ses expertises dans un contexte de moindre proximité.

Sur la revue des missions :

Cette revue des missions n’est qu’une de plus dans la série. Nous y avons déjà procédé à l’automne 2017 dans le cadre d’un cycle de discussion ministériel sur les services déconcentrés de la DGCCRF. Nous revenons sur les grands axes de nos positions portées devant le Ministre.

Pour la CGT il n’est nullement question d’abandon de missions, mais de resserrement autour des cœurs de métiers pour retrouver la priorité de la lutte contre la fraude.

I - les contrôles d’hygiène :

La question de l’hygiène dépasse la DGCCRF et touche le périmètre mission de la DGAL. Il y a là deux traits d’analyse à en tirer sur la base d’une même question : qu’est-ce que l’hygiène à la DGCCRF ?

  Si c’est un élément de la loyauté, ce que la CGT appelle de ses vœux, il n’y a pas lieu à la déléguer puisqu’on ne comprendrait pas qu’une partie du cœur de métier soit abandonnée alors que l’argument de vente des revues des missions est de s’y recentrer. Cela appelle au contraire pour Bercy et la DGCCRF un effort de définition du champ professionnel de l’hygiène sous l’angle économique. Cela aboutit à distinguer définitivement notre exercice de celui de la DGAL. (comme c’est en partie le cas pour le CPMM où nous ne faisons pas d’HACCP dans les établissements sous agrément).

  Si ce n’est pas un élément de la loyauté et que nous faisons en réalité de l’HACCP à la remise directe, alors il n’y a pas lieu à envisager une délégation dont Bercy et la DGCCRF prendrait la responsabilité alors qu’il s’agit en priorité du champ professionnel de la DGAL. C’est à cette dernière qu’une telle décision devrait revenir. Soulignons en passant que la CGT est par ailleurs totalement fermée sur la question de délégations de service public dans les champs professionnels de l’Etat.

Sur le projet de « police sanitaire » présenté par la commission Lactalis et, semble-t-il, repris par le ministère de l’agriculture :

Il s’agit pour la CGT d’une vision étriquée des missions de l’Etat. Au contraire, rechercher des infractions, les mettre au jour et en saisir le procureur participent non seulement de la protection des consommateurs mais aussi de la sécurité économique des autres acteurs : entreprises, salariés, etc…

Pour la CGT, la visée corporatiste du ministère de l’agriculture ne peut prendre le dessus sur les missions de contrôle et de police économique dont est chargée la DGCCRF avec d’autres administrations de Bercy. Les missions de protection sanitaire sont l’une des briques de l’appareil de protection des citoyens, elles ne peuvent être la seule.

Rappelons enfin que l’absence de projet stratégique touche aussi les laboratoires du SCL. Ces derniers sont largement impliqués dans la réalisation du volet hygiène de la DGCCRF. Qu’adviendrait-il dans un contexte de désengagement de la DGCCRF ?

II - les aires de jeux :

L’argument tiré de la restitution de cette problématique aux collectivités territoriales est inconséquent. Cela aboutit à considérer que la responsabilité juridique de l’exploitant suffit. Une problématique qui intéresse la sécurité des enfants de tous ne mérite-t’il aucun garde-fou supplémentaire ? Cela aboutit également à ce que l’exploitant doive penser lui-même les moyens de son contrôle. Comment envisager sereinement un dispositif présentant aussi peu de garanties ?

Il faut encore souligner que cela va précipiter l’émergence de deux cas de figure, les collectivités d’une certaine importance qui disposent de moyens pourront se doter de l’expertise, au besoin externalisée, tandis que les plus modestes seront tentées de fermer leurs aires de jeux pour ne pas grever leur budget ou encourir de risques.

Est-ce là l’idée que l’on peut avoir de l’administration ? Pour la CGT on ne peut adopter un positionnement qui soit créateur ou même simplement catalyseur de fractures entre les gens, spécialement envers les plus fragiles, au cas particulier les enfants.

La proposition de la DGCCRF est de se laver les mains de cette problématique. Pour la CGT, c’est un peu court !

La proposition n’est pas assez travaillée et par conséquent inacceptable en l’état. Qui prendrait le relai dans une recherche de regard global, dans une démarche de prise de hauteur par rapport à l’échelon de l’exploitant ? Nous en revenons à la question de la responsabilité, il est dans cette optique inintelligible de simplement dire "j’arrête"....

III - L’accueil des publics :

La question est du même ordre. Tous, dans nos expériences de la permanence consommation, nous avons expérimenté des matinées sans aucun appel, des appels à réorienter car ils ne correspondaient pas à nos cœurs de métier. Mais il reste deux questions incompressibles :

  les signalements qui effectivement sont pour nous une source de renseignements sur l’existence d’une mauvaise pratique, sur son ampleur, sa portée.

  le fait que la dématérialisation est un éloignement dans les deux sens. D’un côté il va couper les citoyens les plus fragiles du contact avec les corps d’enquête. Qui peut nier aujourd’hui la fragilité de certaines populations ? Qui peut nier la persistance d’inégalités devant l’instruction, devant l’accès à l’emploi ? Qui peut nier l’existence de déserts administratifs ? Qui au bout de ce chemin peut nier l’existence d’une fracture numérique qui va faire que, privés du téléphone et de la relation physique, certains ne se plaindront plus. Leur voix sera perdue alors qu’elle est celle des plus fragiles à qui le pacte républicain garantit pourtant la protection des institutions. Éloignement aussi pour les enquêteurs qui vont se couper d’un moyen de détection des mauvaises pratiques.

Là encore la CGT dénonce une approche uniquement budgétaire qui conduit à l’abandon sous couvert d’aménagement. Qu’est-ce que l’enquête économique sinon l’analyse du quotidien des français ? Comment faire lorsque nous en sommes décollés ?

Vous ne pourrez pas vous évader de la question des moyens nécessaires en organisant l’étiolement des missions. Vous ne ferez que nous condamner à l’abandon.

IV - La participation à la chaîne de dédouanement :

Certaines absences sont insupportables dans le dispositif proposé. La DGCCRF abandonnerait dans une précipitation honteuse des pans de métiers que la pratique a dictés, pour se précipiter en ordre dispersé sur des missions où sa pertinence mériterait un vrai débat de fond.

A l’heure où vous nous proposez une nouvelle discussion sur les missions, vous nous précipitez sur les PED où le plus souvent nous ne sommes pas implantés pour faire des contrôles documentaires et des prélèvements sur des importations, avant même toute entrée sur le marché intérieur. Nous nous félicitons de la reconnaissance de l’expertise de la DGCCRF sur les produits, mais la CGT tient à rappeler que la vocation de la DGCCRF c’est d’être un spécialiste de la réglementation, non du produit. Quelqu’un à Bercy à t-il entendu parler des services de la Douane ?

Il est intolérable que cela se fasse sans débat alors que nous en sommes à trois revues des missions en trois ans. Intolérable que cela se fasse sans reconnaissance (notamment de l’aéroport de Paris), sans moyen ou presque et surtout sans professionnalisation de notre approche qui impliquerait de définir des outils informatiques et techniques, une politique de service, des implantations spécifiques et, là encore, des abondements en personnel.

Cet exemple illustre la dure réalité d’une CCRF incapable de se définir elle-même. Incapable de faire vivre son utilité sociale dans le contexte des bouleversements actuels.

L’heure est venue pour Bercy de réagir.

Devant l’échec de votre stratégie pour nous sortir de la RéATE, vous vous proposez de nous abandonner à un inexorable effritement, faisant fi de l’utilité économique et sociale de la DGCCRF. Mais couper le bras malade c’est abdiquer, ce n’est pas guérir.

La CGT continuera à porter une revendication forte de sortie de la RéATE. Mais en parallèle, il n’est plus possible de jouer l’isolement, le refus, comme la DGCCRF le fait depuis des années.

Il n’est plus tenable de ne pas avoir de plan B. L’isolement de la DGCCRF et de Bercy dans l’inter-ministérialité a enfanté l’isolement des agents sur le terrain et précipité tant l’hégémonie de la DGAL que la perte d’efficacité de la DGCCRF.

Nous attendons de vous, qu’en responsabilité, vous n’entériniez pas la casse en ajoutant la déliquescence des missions à celle des structures.

La CGT considère comme stérile tout exercice ne tendant pas à redonner un projet à la DGCCRF pour renforcer sa position sur le terrain. Les éléments de débat actuels sont à nos yeux nuls et non avenus car ils ne répondent à aucun enjeu qui ne soit pas budgétaire.

Il est temps de reconstruire les services de la DGCCRF et leur efficacité par un véritable projet d’avenir pour cette administration et ses agents.

La CGT souligne accessoirement l’heure tardive de cette réunion (17 h) qui empêche à des provinciaux et aux agents chargés d’enfant en bas âge d’y assister.

Pour la Secrétaire d’Etat il ne s’agit nullement de mépris envers les syndicats, tout au contraire. L’exercice a pour but de réfléchir ensemble sur le périmètre, la priorisation des missions en regard des (faibles) moyens de notre administration.
Pour le gouvernement il s’agit de se recentrer sur nos « cœurs de missions » quitte à externaliser ou privatiser certaines missions pourtant fort importantes en termes de sécurité. Les aires de jeux notamment.
Mme GENY STEPHANN a justifié l’exercice par l’élargissement continu au fil du temps du périmètre des missions dévolues à notre administration, rendant la charge de travail trop importante.
Bien évidemment elle compte également sur l’outil numérique et l’accueil du consommateur en back office pour supprimer ou réduire drastiquement l’accueil physique des consommateurs.
Il s’agit pour eux de se recentrer sur l’essentiel…
Pour le gouvernement et notre directrice Générale, il s’agit de passer dans une autre ère, réputée moderne, la Start up d’Etat, à croire que nos revendications et les attentes des agents de la CCRF sont archaïques !

Nous avons rétorqué que la pression des indicateurs uniquement quantitatifs et la baisse constante des effectifs sont pour une grande part la cause de cette surcharge de travail !
En outre le temps réservé aux contrôles approfondis est amoindri depuis la REATE.

Concernant les laboratoires, la CGT s’inquiète des répercussions sur leur pérennité des abandons de missions, notamment en ce qui concerne l’alimentaire.
Apparemment il n’y aurait pas de baisse d’effectif dans les laboratoires en 2019. Quid des moyens techniques et financiers pour nos laboratoires qui ont subi des baisses continues d’effectifs depuis 2009.

Nous réitérons également l’impérieuse nécessité de la reconstitution d’une chaîne de commandement verticale du ministre à chaque département.

Il s’agit pour la CGT que BERCY reprenne la main et l’initiative car la DGAL, en bon lobbyiste, et le ministère de l’Intérieur, via les Préfets, dictent les actions du gouvernement.

On le voit bien dans la proposition de la DGAL de création d’une police de l’alimentation explosant la CCRF.

Enfin, il n’est à l’heure actuelle pas possible aux organisations syndicales, ni d’ailleurs à l’administration centrale, de connaître officiellement les remontés des Préfets concernant AP 2022. Cet état de fait est inconcevable et inacceptable.

Concernant les suites de l’affaire Lactalis, un débat va s’ouvrir avec le ministère de l’agriculture afin de donner une vision claire au consommateur. En revanche, la CGT restera attentive afin qu’une présentation attractive des évolutions proposées ne se fasse pas au détriment de la DGCCRF.

Mme GENY STEPHANN annonce qu’un point serait fait avec les organisations syndicales en fin du mois d’octobre 2018 à l’issue des remontées des Préfets.
En conclusion, au sortir de cette audience, nous ne connaissons toujours pas la teneur des arbitrages sur le devenir de la CCRF et de ses laboratoires.

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