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Article publié le 17 juillet 2007.

Intervention du Secrétaire Général de l’UGFF-CGT au Conseil Supérieur de la Fonction Publique de l’Etat du 17 juillet 2007

Messieurs les Ministres,

Je souhaite d’abord effectuer deux rappels pour éclairer le premier point de mon intervention :

 Même si elle a accusé une légère baisse ces dernières années, le taux moyen de participation dans les scrutins professionnels de la Fonction publique demeure supérieur à 70 %. Il s’agit-là d’une donnée qui souligne l’intérêt soutenu et continu des personnels aux enjeux multiples dont sont porteuses ces consultations électorales.

 A elle seule, la confédération CGT compte nettement plus d’adhérents que n’en revendiquent les principaux partis politiques.

S’il ne saurait être question, de près ou de loin, d’opposer l’intérêt pour la politique de celui pour le syndicalisme -les deux participent pleinement de la démocratie et de la citoyenneté-, les éléments que je viens d’évoquer, parmi d’autres, sont cependant à bien garder présents à l’esprit. En effet, si, encore une fois, la légitimité du Président de la République, du Premier ministre et de son gouvernement est incontestable, elle n’altère ni ne diminue en rien celle des organisations syndicales représentatives.

En d’autres termes, le mandat dont se sent investi le nouveau pouvoir mis en place ne peut avoir pour conséquence d’effacer les légitimes exigences des salariés ni de rendre caduques les revendications syndicales, tout au contraire.

Dans votre intervention, Monsieur WOERTH, vous avez évoqué l’émoi -pour ne pas dire davantage- qu’a provoqué chez l’ensemble des syndicats la nouvelle architecture ministérielle. Vous vous voulez aujourd’hui rassurant en indiquant, d’une part, que la Fonction publique n’est pas la dernière priorité des trois attributions ministérielles dont vous avez la charge et, d’autre part, que la réunion dans une seule entité de la Fonction publique et du Budget vous obligeait à des engagements validés et responsabilisés.

Permettez-moi de vous objecter, au nom de la CGT, que nous ne partageons nullement votre optimisme. Bien à l’inverse, pour les trois versants, nous y voyons la volonté de considérer la Fonction publique d’abord et avant tout comme un coût qu’il convient de réduire. D’ailleurs, cette vision comptable nous semble malheureusement confirmée par plusieurs de vos déclarations. Il est ainsi de votre intention confirmée d’aggraver la politique de réduction de l’emploi public avec le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dès 2008. Cette contrainte, en outre, vous souhaitez l’étendre au versant territorial et conditionnant le versement des subventions de l’Etat à l’engagement des collectivités locales à opérer des choix similaires. Enfin, pour s’en tenir à quelques exemples, vous vous érigez en pilote du budget de la sécurité sociale -via les comptes publics- et, à ce titre, vous avez présidé la réunion interministérielle où de nouvelles économies ont été dévoilées qui, pout la plupart, portent sur le dos des assurés sociaux.

Vous avez également affirmé votre attachement à une Fonction publique de carrière. Fort bien. Voilà une plage d’accord avec la CGT. Mais, immédiatement après, vous indiquez vouloir vous inspirer de l’exemple des cadres d’emplois de la territoriale. Alors là, les choses se gâtent. Pour la CGT, une conception moderne et audacieuse en matière d’architecture statutaire passe, bien au contraire, par une mise en cause des cadres d’emplois institués en 1987 qui fragilisent le fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions.

Messieurs les Ministres, vous annoncez donc trois chantiers devant débuter à la rentrée et se traduisant par l’organisation d’autant de conférences. Sur les thèmes retenus -« valeurs de la Fonction publique », « pouvoir d’achat » et « dialogue social »-, la CGT a de nombreuses revendications depuis des années.

Cependant, je veux d’ores et déjà vous indiquer que, en la matière, les directions empruntées ne rencontrent pas notre adhésion, pour user d’un euphémisme.

S’il est un débat que la CGT réclame de longue date, c’est bien celui sur les valeurs de la Fonction publique, si tant est, au préalable, que l’on parle bien de la même chose, c’est-à-dire des missions.

Mais, alors que cette vaste réflexion n’a pas connu, du fait des gouvernements successifs, la moindre entame, vous comptez, ainsi que nous l’avons déjà dit, amplifier de manière brutale les coupes dans les effectifs de la Fonction publique.

Amplifier, puisque depuis 2003, si l’on prend en compte les emplois aidés non reconduits et non remplacés, ce sont déjà de l’ordre de 80 à 100 000 emplois qui ont disparu. Dès lors que les projets gouvernementaux se concrétisaient sur les 5 années à venir, ce sont de 150 000 à 200 000 emplois supplémentaires qui seront supprimés, portant en une décennie à la fourchette faramineuse de 230 000 à 300 000 les suppressions d’emplois pour la Fonction publique de l’Etat.

De telles mesures ne manqueraient pas d’avoir des conséquences désastreuses tant pour les conditions de travail des agents que pour la qualité du service public rendu aux usagers. Au-delà, elles prépareraient de nouvelles externalisations et privatisations que la CGT récuse et combat.

Pour notre organisation syndicale, ce sont les missions que l’on entend confier à la Fonction publique qui permettent de déterminer le nombre d’emplois nécessaires pour les mener à bien.

Dans l’attente des conclusions de cet échange pluriel, dans lequel la CGT entend bien faire valoir son ambition d’une Fonction publique comme outil irremplaçable pour, notamment, la satisfaction des besoins sociaux et la garantie de l’égalité de traitement de toute la population, nous vous demandons officiellement l’abandon de toute nouvelle suppression d’emploi.

Puisque la CGT vous interpelle sur l’emploi public, elle ne saurait passer sous silence le grave problème du non titulariat.

Certes, le rapport sur l’état annuel de la Fonction publique note que de 1994 à 2005 la part des agents non titulaires, dans l’ensemble des effectifs de la Fonction publique, est demeurée stable aux alentours de 15 %. Mais, cette présentation est quelque peu trompeuse puisqu’elle omet de prendre en compte les emplois aidés. En intégrant ces salariés dans la base de calcul, c’est de 18 % qu’il convient alors de parler. Et, si l’on étend la prospective à ceux des agents rémunérés sur crédits qui, bien que travaillant sur des besoins permanents, ne sont pas comptabilisés dans le susdit rapport, on se situe toujours aux environs de 20 % d’agents non titulaires. Autrement dit, un emploi sur cinq n’est pas statutaire dans la Fonction publique.

Une proportion d’une telle importance est parfaitement insupportable. Le fait qu’elle soit stable depuis plusieurs années -ce qui, soit dit en passant, n’est pas si simple- ne peut, le moins du monde, être considéré comme satisfaisant. En effet, depuis près de 10 ans, deux plans successifs dits « de résorption de la précarité » se sont succédés sans discontinuer. Résultat : le nombre d’agents non titulaires n’a pas reculé d’un iota.

En conséquence, la CGT demande qu’une négociation s’ouvre très rapidement pour :

 Mettre en œuvre un véritable plan de titularisation, large et ouvert ;

 Par des dispositions législatives et réglementaires contraignantes, empêcher la reconstitution de la noria des non titulaires.

Sur le pouvoir d’achat, vous ne serez pas surpris que je vous affirme à nouveau que la situation est inacceptable à nos yeux.

Depuis janvier 2000, le pouvoir d’achat de la valeur du point a perdu plus de 6 %. Et, pour nous comme pour toutes les organisations syndicales, la valeur du point c’est l’instrument de mesure essentiel du pouvoir d’achat des agents de la Fonction publique et celui sur lequel doivent reposer les négociations salariales.

De surcroît, aucune mesure n’a été prise pour 2007 et rien ne semble se dessiner pour 2008.

Aujourd’hui comme hier, la CGT refuse le marché de dupes emplois contre salaires.

D’abord, tout simplement, parce que les deux problématiques n’ont rien à voir entre elles et que nous réfutons toujours que le nombre de fonctionnaires constitue une variable d’ajustement économique.

Ensuite, parce qu’il s’agit d’un deal « perdant-perdant ». Perdant pour le service public, puisque les suppressions massives d’emplois, ce sont des conditions de travail encore détériorées pour les personnels et une qualité de service amoindri pour les citoyens. Perdant aussi pour les salaires, puisque, selon les estimations, le « gain » réalisé par le non remplacement d’1 fonctionnaire sur 2 partant à la retraite serais compris entre 500 millions et 1 milliard d’euros. Or, 50 % de cette somme ne représentent que de 0,2 à 0,4 % de la masse salariale totale de la Fonction publique. On est bien loin des moyens nécessaires au simple maintien du pouvoir d’achat de l’ensemble des agents.

De même, nous ne pensons pas que la voie à explorer soit celle de « travailler plus pour gagner plus ». Au-delà des analyses globales de notre confédération, que nous partageons entièrement sur ce néfaste projet, la Fonction publique est d’ores et déjà confrontée à des difficultés majeures dans ce domaine. En effet, des centaines de milliers d’agents ont accumulé des millions d’heures supplémentaires que les employeurs publics ne veulent -ou ne peuvent- ni payer ni compenser. La première urgence à résoudre est de rétablir ces salariés dans leurs droits. La seconde est de créer les emplois nécessaires pour stopper cette dérive.

Ce qui est vrai en revanche, c’est que le taux des heures supplémentaires est anormalement bas dans la Fonction publique. Il convient donc de le revaloriser significativement. En tout état de cause, cette nécessaire augmentation ne saurait être confondue avec la défiscalisation et les baisses de cotisations sociales sur les heures supplémentaires.

Enfin, la CGT tient à vous faire savoir que si elle est prête à discuter des régimes indemnitaires, des prestations d’action sociale ou encore de la protection sociale complémentaire, elle considère ces sujets comme étant totalement distincts des négociations salariales.

Pour conclure provisoirement sur ce dossier fondamental, nous revendiquons :

 Le maintien du pouvoir d’achat assis sur la valeur du point pour 2007 et 2008 ;

 Des mesures de rattrapage pour les pertes accumulées depuis 2000 ;

 L’ouverture immédiate de négociations pour lesquelles nous sommes entièrement disponibles.

Le troisième thème sur lequel vous souhaitez que se mette en place une conférence est celui du dialogue social.

Voilà, il est vrai, une question qui se pose régulièrement mais qui n’aboutit pas.

Autant vous le dire d’emblée : le scénario actuel ne nous semble pas le plus adéquat pour favoriser le climat positif indispensable à l’ouverture de telles discussions. Une conférence sur le dialogue social débutant à l’automne alors que, pour s’en tenir à l’essentiel, vous multipliez les annonces unilatérales sur de nouvelles suppressions d’emplois et que vous refusez l’ouverture sans délai de négociations salariales, il y a là davantage qu’un paradoxe !

L’urgence est à changer de méthode. En tout état de cause, sur le dialogue social, la concertation et la négociation, la CGT formule, là encore, de nombreuses propositions :

 Préservation et amélioration du droit syndical ;

 Droit suspensif dans les CTP ;

 Organisme de concertation commun aux 3 versants ;

 Négociations annuelles obligatoires sur les salaires, au printemps de l’année N -1 ;

 Exploration de ce qui peut faire l’objet d’accords, la nature des engagements réciproques, dans le respect de la position statutaire et réglementaire du fonctionnaire ;

 La validation d’accords dans la seule hypothèse où ils ont été signés par des syndicats représentant la majorité des personnels, ce qui s’oppose par nature à la mise en place d’un droit d’opposition…

Enfin, pour se limiter à l’essentiel aujourd’hui, nous souhaitons évoquer ici un point qui ne semble pas avoir retenu votre attention. Il s’agit des conditions de travail. Depuis trop longtemps, les conditions de travail se sont dégradées dans de nombreux secteurs rendant plus que difficile la vie professionnelle et quotidienne de dizaines de milliers d’agents. Pour beaucoup, la situation a aujourd’hui atteint un seuil critique.

Il est incontournable et urgent de changer profondément la donne. Dans cette optique, il est indispensable :

 D’améliorer les mesures « réparatrices », comme les départs anticipés à la retraite, la réduction et les aménagements des horaires…

 De favoriser la prévention, par l’apport de moyens matériels, l’adaptation des postes, le développement de la médecine de prévention, l’accroissement des prérogatives des CHS…

Messieurs les Ministres, le Président de la République nous a dit son obligation de résultats.

A partir de ces exigences qu’elle porte avec les personnels et que je viens de rappeler dans mon propos pour quelques-unes d’entre-elles, la CGT jugera évidemment aux actes.

Ceci étant, elle n’attendra pas des mois pour combattre les mesures et les orientations qui lui semblent inacceptables et pour faire aboutir ses propositions.

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