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Article publié le 15 juillet 2009.

Après les brigades LME impuissantes, le retour des "boissons-pilote" ?

A grands renforts d’annonce, le gouvernement communique sur la baisse de la TVA de 19,6% à 5,5% dans les établissements de restauration et les bars. Herve Novelli s’invite à la table d’un restaurant qui applique en avant première la baisse des prix et Christine Lagarde se félicite de l’engagement du "contrat d’avenir" dans lequel 9 fédérations professionnelles s’engagent à créer 40.000 emplois.

Comme disait un précédent président de la République, "les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent".

Concrètement, cette baisse de TVA fait qu’un café en gare à 2€ devrait ainsi passer à 1,76 € (arrondi à 1,80€ ?), une formule dans les brasseries passerait de 15€ à 13,23€.

Quelques idées simples à marteler encore et encore….

Depuis 1986, la France vit dans un régime de liberté des prix.
Ainsi, les professionnels des métiers de bouche peuvent librement augmenter leurs tarifs, c’est légal !

Leur seule obligation est d’informer le consommateur des tarifs qu’ils pratiquent.

Le passage à l’euro a facilité la perte de repères d’un consommateur captif : le café en terrasse a vu son prix bondir entre 2000 et 2009 de 3,40F (0,52€) en moyenne à 2€, soit un prix qui a presque quadruplé. Les formules classiques en restauration à 50 F (7,62€) sont maintenant à 12€ minimum, soit une hausse de 57%.

Les "chevaliers de la Charte"

La profession des CHR (cafés hôtels restaurants), néo poujadiste avérée, n’en finit pas de refuser tout contrôle, malgré des pratiques professionnelles récurrentes souvent à la marge de la légalité : cartes "complaisantes" avec les appellations, plats attractifs souvent indisponibles, cuisines délabrées, voire insalubres, pratiques de "négriers" avec les salariés notamment saisonniers.

À l’application stricte des réglementations, la profession préfère de loin la signature de chartes de bonne conduite, avec force engagements moraux et la main sur le cœur, pour des promesses de bien faire le plus souvent en recul avec les textes applicables. Souvenons nous des "rappels de réglementation" voulus par le DG de l’époque, M. Gallot, au restaurant de luxe de la région tourangelle, qui ont défrayé la chronique en leur temps, et de la Charte CHR signée par Mme Lagarde contre laquelle le syndicat CGT a déposé en recours en Conseil d’Etat.

Rendez nous la baisse de l’impôt !

Aux yeux du gouvernement, diminuer la TVA dans le secteur (au de là de son coût estimé en année pleine à plus de 3 milliard d’euros) renforcerait la concurrence par les prix et boosterait la croissance par la dépense des ménages.

Mais les ménages en insécurité matérielle, du fait de la crise, les cadres moyens dont les entreprises regardent avec plus d’attention les notes de frais de leurs commerciaux, vont-ils se précipiter dans les estaminets pour bénéficier, sans garantie, d’un prix incluant totalement la baisse fiscale ?

Bien sûr que non !

De même, les petits indépendants dont les recettes sont rognées par la baisse d’activité seront-ils vertueux à appliquer la baisse sur les produits les plus commandés ? Pas sûr !

Cette baisse de TVA apparaît clairement pour ce qu’elle est : une mesure éminemment clientéliste et d’un coût sans rapport avec les bénéfices attendus.

Les salariés de ces établissements ne verront pas leurs salaires augmenter, leurs conditions de travail s’améliorer, il n’y aura pas de d’embauches massives (la profession parle de 80.000 créations d’emplois : de simples régularisations comme celles obtenues par les luttes récentes des sans-papiers dans ce secteur ?) et le travail au noir continuera de prospérer !

Les consommateurs ne bénéficieront que de quelques baisses de prix très insignifiantes par rapport aux pertes de pouvoir d’achat subi ces dernières années !

L’argent dépensé par l’Etat aurait pu être utilisé plus utilement dans l’Education, la formation, l’amélioration des services publics, l’augmentation des salaires des fonctionnaires, etc. Toutes mesures utiles au développement du pays et au bien-être des citoyens !

Et les contrôles de la DGCCRF dans tout ça ?

Comme pour les brigades LME, le ministère communique sur la réalité certaine de la répercussion de la baisse.

Mais le "contrat d’avenir" sent un peu l’arnaque !

En effet, outre la "vitrophanie" (quel joli mot pour évoquer un autocollant basique annonçant que l’établissement joue le jeu !), le nombre de plats ou menus concernés peut varier de 1 à 7.

Un seul plat ou un menu sur lequel s’applique la baisse de TVA, sur l’ensemble de la carte, cela ressemble à un prix d’appel, voire à une pratique commerciale déloyale.

Mais soyons rassurés : l’engagement doit concerner des produits représentant au total 1/3 du chiffre d’affaires de l’établissement.
Vite, à vos calculettes, et vive la comptabilité analytique qui seule permet ce type de vérifications !

Les enquêtes diligentées par la CCRF pour accompagner la mesure gouvernementale devront porter sur la "vitrophanie" et sur la réalité des baisses, mais elles doivent cependant être les plus discrètes possibles, réalisées depuis l’extérieur de l’établissement.

"Le recueil d’informations n’ira pas au-delà des seuls constats visuels"

Voici la vraie innovation : une nouvelle forme de contrôle, le contrôle "à la sauvette".

Pourtant, la DGCCRF dispose de pouvoirs de police judiciaire, ses enquêtes débouchent en règle générale sur des procès verbaux gérés par les parquets : nous ne sommes des soutiens ni à la propagande des professionnels, ni à celle du gouvernement !

De qui se moque-t-on ?

On peut craindre que de nombreux établissements, malgré leurs engagements, trouvent le moyen de capitaliser sur ces presque 12% de marge offerts par le gouvernement.

Au delà des coûts pour le budget de la Nation (diminution de recettes), cette mesure est elle compatible avec le Traité, notamment au titre des aides d’Etat, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Le syndicat CGT CCRF :

1/ dénonce la manipulation du gouvernement sur ce sujet ;

2/ réclame que les enquêtes sur le dispositif de baisse soient faites conformément aux textes sur la publicité induisant en erreur, voire mensongère. Si la réalité n’est pas conforme aux engagements affichés par les sociétés, l’enquêteur doit pouvoir verbaliser et transmettre son PV à l’autorité judiciaire ;

3/ refuse qu’une fois encore, les services de la CCRF soient mis au service des mieux lotis, avec une simple "observation du respect de la charte".

4/ exige un plan de recrutement pluriannuel permettant un plein exercice de nos missions et l’arrêt du démantèlement de la DGCCRF en cours

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